La cueillette sauvage est de plus en plus populaire: un retour aux sources, et de la nourriture gratuite. Que demander de mieux?! Pourquoi ne pas ajouter les champignons sauvages à votre bagage de connaissances? Honnêtement, à 4$ la petite barquette à l’épicerie, j’en achète de moins en moins… mais je n’en mange pas moins!
C’est dangereux de manger les champignons sauvages? Ça dépend… vous êtes du genre pointilleux, ou «bah, ça doit être ok»? Si vous êtes du deuxième type, ce n’est peut-être pas une activité pour vous… tous les champignons se mangent, mais certains, une seule fois!! Mais je vous propose dans cet article quelques espèces de champignons québécois que vous pouvez reconnaître très facilement, et consommer sans danger. Ce sont de bonnes espèces pour s’initier à la chasse aux champignons.
Attention!
Vous êtes 100% responsables de ce que vous mangez, et de l’endroit où vous cueillez. Il y a des risques: une mauvaise identification, un champignon qui pousse sur une pelouse traitée aux produits chimiques, ou encore la récolte dans une réserve naturelle protégée. Soyez prudents et respectueux.
Couper ou arracher?
Une question qui divise les mycologues amateurs: doit-on couper ou arracher le champignon? D’abord, vous devez savoir que celui-ci n’est que l’organe reproducteur. L’individu en soi se cache sous terre sous forme de mycélium, une espèce de tapis blanc de filaments entrelacés.
Quand vous cueillez un champignon, vous ne causez aucun mal à l’individu. Bon… vous lui arrachez son organe reproducteur, mais ce n’est pas comme chez l’humain!! Il n’aura pas mal (ouf!), et aura certainement déjà eu le temps d’envoyer quelques spores («bébés»). Un champignon, en passant, ce n’est pas une plante, ni un animal. C’est un champignon. Et son mode de vie est donc très différent des plantes et animaux!
Bref, selon certains chercheurs, couper un champignon permettrait à certaines maladies d’entrer par le bout resté à la surface de la terre. Selon d’autres, arracher peut endommager la partie souterraine. Tous s’entendent ce pendant pour dire que ce qui abime le plus le mycélium, c’est le piétinement répété. Personnellement, j’arrache, car le pied est parfois nécessaire à l’identification, et je fais attention à ne pas piétiner inutilement le sol mou dans mes spots de récolte.
Beau ou pas beau?
Un beau champignon a l’air frais. Il est assez ferme, sans «blessures» et son chapeau n’est pas retourné. Chez plusieurs types, les bords du chapeau se retournent quand il est plus vieux: c’est qu’il est souvent TROP vieux. Pas nécessairement immangeable, mais certainement déjà grignoté par d’autres habitants de la forêt!
S’il est beau, arrachez-le de terre et coupez le pied avec un petit couteau: ça évite de mettre plein de terre dans votre récolte, en plus de vous permettre de voir s’il est habité. S’il y a des petits trous, ce sont des larves qui mangent le champignon par en dedans. Ici, vous avez un choix à faire: quel genre de cueilleur sauvage êtes-vous? Le genre dédaigneux qui ne mange que les champignons dits «non-piqués», celui qui accepte QUELQUES trous, ou celui qui se dit: «plein de larves? Ça fait plus de protéines!».
Si vous êtes de ceux qui achètent des champignons sauvages à l’épicerie, sachez qu’ils n’ont souvent pas de scrupules. Vos bolets séchés étaient très certainement bien piqués avant d’être déshydratés, mais comme une fois séché, on ne le voit plus, eh bien vous ne vous en rendez pas compte, mais vous êtes dans la team «protéines»!
J’ai déjà vu un champignon crabe «frais» à l’épicerie qui était tellement piqué que moi, je l’aurais laissé dans la forêt! Et ils vendaient ça un prix complètement fou! Bref, c’est votre choix, les petites bébittes de champignon ne sont pas toxiques. Elles sont là, impossible à enlever, et elles mangent (et défèquent) dans votre récolte…!!
Quelques espèces pour bien débuter
Mon tout premier champignon sauvage fut la vesse de loup. C’est pratiquement impossible de se tromper, ça ressemble à une balle blanche oubliée dans la pelouse ou sur le sol forestier fin août ou début septembre. La version dite «géante» de ce champignon peut en effet faire la grosseur d’un ballon de soccer, voir plus pour les records! J’en trouve plus généralement de la grosseur d’un poing. Il est lisse, blanc ou beige, et sans pied: quand on l’arrache, on voit que le dessous ressemble à un sac fermé avec un cordon! Les petites vesses de loup sont de la grosseur d’une pièce: elles sont aussi comestibles, mais un sosie existe: le scléroderme vulgaire. Pas de panique, c’est facile de l’éliminer de la récolte: quand on le coupe en deux, l’intérieur est noir. Une bonne vesse jeune et prête à passer à la poêle doit être immaculée à l’intérieur. Si elle est jaunâtre, elle est trop vieille.
Mon second champignon fut le polypore écailleux. Lui aussi est assez gros et commode à repérer de loin puisqu’il pousse sur les arbres. On le retrouve d’avril à octobre, et il a tendance à repousser plus d’une fois au même endroit. Le pied est sur le côté, et non au centre, et présente des taches noirâtres. Son chapeau est, comme son nom l’indique, couvert d’écailles brunes, et le dessous est composé de minuscules trous.
Dans les livres, on voit que ce champignon a une «puissante odeur de concombre». On a bien rit en lisant ça la première fois. Je ne sais pas pour vous, mais ce n’est pas la courge la plus odorante, le concombre!! Et pourtant, quand on l’a trouvé et qu’on l’a senti, aucun doute possible… C’est VRAIMENT une puissante odeur de concombre!!!
Pour tester sa jeunesse, on enfonce un couteau à partir du bord: la partie «molle» où le couteau a pénétré est bonne à manger. La partie près du pied est, quant-à elle, coriace et désagréable… MAIS ! Si vous le faites sécher et le réduisez en poudre, ça fait une super épice délicate à intégrer à vos bouillons et sauces blanches. On ne perd rien!
Un autre champignon qui nous saute pratiquement aux yeux est le coprin chevelu. Il pousse dans la pelouse en septembre et octobre. C’est un très bon champignon à l’allure allongée de vieille perruque blanche! Attention, si vous engraissez votre pelouse avec autre chose que du compost, il n’est pas recommandé de les manger. Deux sosies possibles: le Coprinus sterquilinus, un coprin printanier en tout point identique au chevelu et tout autant comestible, et un vilain: le coprin noir d’encre. Il était autrefois considéré comme comestible, mais en association avec de l’alcool trois jours avant ou après, il a des effets désagréables (accélération du rythme cardiaque, vomissement, évanouissements). À mon humble avis, un champignon ne vaut pas la peine d’être malade, alors le noir d’encre, on ne touche pas! Il est plus lisse que le chevelu et plus foncé.
Coprin noir d’encre © definitelyanamateur
De juillet à octobre, vous pouvez trouver une vedette forestière: la dermatose des russules. Si s’agit d’une russule (une sorte de champignon) qui est parasité par une dermatose (un autre champignon). Deux pour le prix d’un!!
Heu… c’est parce que… j’ai déjà eu une dermatose…?
Eh oui, c’est le cousin du champignon qui cause des maladies de peau! Pas d’inquiétude, celui qui parasite les russules ne s’intéresse pas du tout à votre peau: ouf! En fait, chaque dermatose a sa proie: certaines s’attaquent aux bolets, aux lactaires, etc. Dans le cas des russules, c’est la seule association avec une dermatose qui a un intérêt culinaire. Et quel intérêt! On obtient un beau champignon orange à l’odeur de fruits de mer! Encore heureux que votre peau n’aie pas les mêmes symptômes que la pauvre russule devenue littéralement un cône orange de forêt! D’ailleurs, un autre nom pour ce champignon champignoné est le champignon crabe: on ne se demande pas trop pourquoi, il est unique et impossible à confondre!
Si on reste dans les jolies couleurs voyantes des sols forestiers, en juillet et août, il y a l’amanite de Jackson. Je ne sais pas pourquoi, mais la communauté des mycologues est très partagée sur ce champignon. C’est vrai qu’il a un goût très fort et qu’il est meilleur en sauce qu’en accompagnement, mais franchement, si vous êtes à l’aise en cuisine, c’est un délice qui surprend!
Le défi chez ce champignon, c’est de le récolter jeune. Il faut que son chapeau soit encore tout plié, comme un oeuf. S’il est étalé comme un parapluie, son goût est bien moins intéressant! Il y a quelques confusions possibles, et c’est pourquoi ce champignon doit absolument être récolté en arrachant. À sa base, vous trouverez un espèce de cocon blanc: s’il n’y en a pas de trace, c’est probablement un autre champignon. En bref, l’amanite de Jackson c’est: chapeau rouge, sac blanc à la base. Un des sosies, l’amanite tue mouche, peut présenter un chapeau rouge qui a généralement des flocons blancs dessus. Mais suite à une grosse pluie, ils peuvent tomber et ressembler à l’amanite de Jackson. Je répète donc: chapeau rouge ET sac blanc!
Juillet à septembre, c’est aussi un bon moment pour trouver des pieds de mouton dans la forêt. Plus difficiles à repérer, ils sont blancs, crème ou orangé, et leur chapeau est irrégulier. Quand on en trouve un, ça vaut la peine de regarder tout autour: ils sont rarement seuls et les plus petits ne font que 5 centimètres de diamètre.
Pour l’identifier, rien de plus facile, il suffit de le retourner. La magie se passe sous le chapeau! C’est un champignon qui a des aiguillons, comme des stalactites. Ils sont cassants quand on y passe le doigt. Voilà, c’est tout! Pas vraiment de confusion possible, et si oui, tant qu’il y a des aiguillons, c’est avec d’autres champignons comestibles plus ou moins rares. En fait, le pied de mouton est dans un groupe nommé les hydnes, et plusieurs se ressemblent tellement qu’il est impossible, à moins d’avoir un microscope, d’identifier l’espèce précisément. Plusieurs espèces sont donc définies sous le nom «pied de mouton».
Au printemps prochain, si vous êtes chanceux, observateurs, et vraiment chanceux (genre deux fois chanceux, ce n’est pas une erreur!), vous aurez peut-être la chance de tomber sur des morilles! Elles ne sont pas particulièrement rares, mais elles sont particulièrement cryptiques et les trouver revient à trouver Charlie. Elles poussent au début de mai et les repérer sur (voir sous!) le tapis de feuilles de l’automne n’est pas une chose facile. Sans blague, j’ai un endroit où elles reviennent à chaque année et je peux fixer le sol dix minutes avant de trouve la première! Les morilles noires et morilles blondes, c’est comme une chasse au trésor pour les amateurs de champignons! Le seul sosie que vous rencontrerez, et qui pousse au même moment de l’année, c’est le gyromitre. Il ressemble à un cerveau brun orangé et est toxique.
Gyromitre © Memphrémagog Conservation
Si vous vous initier à la cueillette de champignons sauvages est un projet, je vous encourage fortement à rejoindre des communautés en ligne sur les réseaux sociaux et à vous procurer des livres sur le sujet. Le site de mycoquébec est également une ressource utile. Vous découvrirez quel champignon pousse dans quel type de sol, comment faire une sporée pour différencier certaines espèces, comment les conserver, etc. Bonne chance!
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Très intéressant, certains champignons 🍄 québécois se trouvent aussi en France. Merci pour ces descriptions et belles photos.😄
Merci Marie-Ange 🙂