Les premiers concepts
Bien avant que le premier char d’assaut ne rugisse dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, des inventeurs et stratèges militaires rêvent déjà de véhicules blindés capables de dominer le champ de bataille. Parmi les idées les plus célèbres, on retrouve celle de Léonard de Vinci, qui, au XVe siècle, imagine un char en forme de carapace conique, armé de canons multiples et propulsé à la manivelle. Ce projet, bien qu’incompatible avec les technologies de son temps, témoigne d’une intuition brillante : celle d’un véhicule protégé, mobile, et capable de délivrer une puissance de feu indépendante.




Au début du XXe siècle, le capitaine Levavasseur, un officier français, propose en 1903 un concept audacieux : un canon auto-propulsé sur chenilles, doté d’un blindage léger. Ce « projet Levavasseur » anticipe avec une étonnante précision le char moderne. Rejeté par les autorités militaires françaises de l’époque, il reste à l’état de dessin, victime de son audace prématurée.
Ce n’est qu’avec l’enlisement de la Première Guerre mondiale que ces visions oubliées deviennent réalité. Le besoin de briser l’équilibre statique des lignes de front pousse les ingénieurs et les armées à concrétiser l’idée d’un véhicule blindé mobile : le char d’assaut. Une révolution militaire s’enclenche alors, transformant à jamais la guerre terrestre.
Les origines : la Première Guerre mondiale

En 1916, les Britanniques déploient pour la première fois le Mark I, une machine imposante dotée de chenilles et de canons latéraux. Il est conçu pour franchir les no man’s lands criblés de barbelés et de cratères, en protégeant son équipage du feu ennemi. Malgré sa lenteur et sa fiabilité incertaine, il introduit un paradigme nouveau : la guerre devient mobile.
Du côté français, les ingénieurs conçoivent les premiers chars nationaux. Le Schneider CA-1, entré en service en avril 1917, est le premier char français utilisé au combat. Basé sur un châssis de tracteur Holt, il est armé d’un canon de 75 mm décentré à l’avant droit et de deux mitrailleuses. Son blindage reste limité et son franchissement difficile.


Le Saint-Chamond, plus long et mieux armé, souffre également d’un défaut de mobilité majeur : ses chenilles trop courtes par rapport au châssis limitent sa capacité à franchir les tranchées.


C’est le Renault FT, introduit en 1917, qui marque un tournant. Plus léger, maniable, il introduit une tourelle rotative à 360 degrés. Sa configuration (moteur à l’arrière, poste de pilotage à l’avant, armement en tourelle) devient le modèle standard des chars pour les décennies à venir.
L’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale


Dans les années 1920-30, des théoriciens comme Heinz Guderian et Charles de Gaulle développent des doctrines d’emploi offensif du char. La Seconde Guerre mondiale illustre pleinement leur potentiel.



Les Allemands conçoivent les Panzer IV, Panther et Tiger I. Ce dernier, avec son blindage épais et son canon de 88 mm, domine les affrontements directs. Les Soviétiques répondent avec le T-34, rapide, bien blindé, et produit à grande échelle.


Les Américains utilisent le M4 Sherman, plus léger mais numériquement supérieur.



Ces chars s’affrontent dans les batailles de Koursk, El-Alamein ou des Ardennes. Le char devient l’outil central de la guerre terrestre, appuyé par l’infanterie mécanisée et l’artillerie.
Guerre froide : vers la haute technologie



Après 1945, la compétition technologique s’accélère. L’URSS déploie les T-55, T-62 puis T-72, tandis que les États-Unis conçoivent les M60 Patton. Le Leopard 1 allemand fait le choix de la mobilité et de la précision.


Les chars s’équipent de télémètres, de stabilisateurs de tir, de blindages réactifs et de systèmes de vision nocturne. La guerre devient électronique autant que mécanique.
Les conflits modernes : du Golfe à l’Ukraine


En 1991, la guerre du Golfe démontre la supériorité du M1 Abrams américain : blindage composite, canon de 120 mm, propulsion par turbine. Il écrase les forces irakiennes équipées de T-72. Les Russes modernisent leur T-72 en T-90, plus compacts et équipés de missiles guidés.


Le Merkava israélien introduit un design centré sur la survie de l’équipage. En Ukraine, des milliers de chars s’affrontent dans un environnement où les drones et les missiles portatifs remettent en question leur vulnérabilité.
L’avenir du char d’assaut
Malgré les menaces croissantes des drones et missiles, les grandes puissances continuent d’investir. La Russie développe le T-14 Armata, automatisé et hautement protégé. L’Europe mise sur le projet franco-allemand « Main Ground Combat System » (MGCS).


Les États-Unis explorent des concepts légers, modulaires, voire autonomes. Le char du futur sera intelligent, interconnecté, potentiellement sans pilote et capable de coopérer avec des drones terrestres et aériens.

Né dans la boue des tranchées, le char d’assaut reste un acteur clé de la guerre terrestre. Son évolution constante, de sa carapace blindée à son système d’armes connecté, reflète les mutations de la guerre elle-même. Tant que le contrôle du sol restera un enjeu militaire, le char d’assaut conservera sa pertinence.
Successeur de la cavalerie sur les champs de batailles, les chars ont transformé le visage de la guerre.Partager cette trouvaille!Partager!Envoyer par courrielEnvoyer!