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Michaelle Jean et les felquistes

Dans les milieux indépendantistes, plusieurs réactions à la fois de lassitude et d’admiration se sont manifestées à la suite du « bon coup » de Paul Martin qui a sollicité Michaëlle Jean pour le poste de Gouverneur Général. Paul Martin ne cache pas qu’il veut ainsi faire progresser le camp fédéraliste au Québec prenant le risque comme avec le revirement de Jean Lapierre de s’aliéner une partie de l’électorat anglophone. Michaëlle Jean est un simple pion dans un jeu d’échecs mais Paul Martin doit miser là-dessus parce qu’il n’a plus grand-chose à offrir au peuple québécois. La promesse d’un nouveau style, voire d’un nouveau fédéralisme, ne s’est jamais concrétisée et pour peu que le mouvement indépendantiste retrouve un peu d’élan, l’édifice bureaucratique canadien risque bien de s’effondrer d’un seul coup. Mais il reste la campagne d’images, il peut encore repeindre la façade lézardée. À cause de la faiblesse des indépendantistes au niveau du contrôle des organes d’information, il peut encore retarder l’échéance.

Incapables de riposte, les indépendantistes se contentent d’encaisser le coup. Il faut bien admettre que Michaëlle Jean, à la figure angélique, au charme enjôleur est une figure inattaquable. D’abord, elle n’a jamais fait de politique, peut-on lui reprocher d’avoir changé de camp, d’avoir tourné le dos aux siens? D’autant plus que le prestige de la fonction a permis de domestiquer toute la mouvance intellectuelle québécoise autour des prix du Gouverneur Général. Quel récipiendaire de ce prix, tout indépendantiste soit-il, peut reprocher à cette amante des Arts, d’occuper le poste qui permet d’attribuer ce prix si convoité? Bref, face à cette nouvelle représentante de la monarchie, du colonialisme archaïque, les intellectuels québécois sont déculottés. S’ils s’étaient tenus debout dans les dernières années face à cette politique de domestication, Paul Martin ne pavoiserait pas autant. Il reste que Michaëlle Jean a fait un choix en toute connaissance de cause. Elle a beau être animatrice de Radio-Canada, elle baigne depuis des lustres dans l’atmosphère indépendantiste qui caractérise le milieu intellectuel qu’elle fréquente. Elle sait ce qu’elle fait et contre qui elle le fait. Elle n’est pas apolitique, elle sait qu’elle est au coeur d’un lutte politique cruciale et historique et que le camp qu’elle favorise désormais n’aura de cesse d’affaiblir, voire de détruire le mouvement indépendantiste dans une stratégie de mise au pas de la nation québécoise.

Ceux qui aimaient Michaëlle Jean ont bien raison d’être déçus. Et je suis un de ceux-là. Mais je me console vite parce que je sais que l’image de ce nouveau couple royal qu’elle fait avec le cinéaste Jean-Daniel Lafond sera bientôt écorchée au Canada anglais et que nous risquons d’assister à une superbe dégringolade qui risque d’être étonnante dans ses conséquences politiques.

Déjà Odile Tremblay, la chroniqueuse cinéma du Devoir, qui connaît bien Michaëlle et Jean-Daniel décrit bien l’impossible situation qu’ils risquent de vivre : « Or Jean-Daniel Lafond est ce documentariste qui a consacré un film à Pierre Perreault, un autre à Jacques Ferron, un autre encore aux felquistes Pierres Vallières et Charles Gagnon : des êtres purs attelés à un rêve d’indépendance. Son nationalisme, Jean-Daniel l’a exprimé à la radio, à travers ses films, ses écrits. Difficile de l’imaginer dans le rôle du prince consort fédéraliste qui retiendra sa langue. Il aime tant parler et le fait si bien. »

Bref, le mari de la Gouverneure Générale est un pur indépendantiste qu’une enquête de sécurité n’a pu ignorer. Paul Martin, sachant la chose, a cru jouer un coup de maître en le ralliant, le temps d’un mandat protocolaire. Sauf que Jean-Daniel Lafond n’est pas une Belinda Stronach ou un Jean Lapierre. Il ne frayait pas avec des politiciens de pacotille mais avec de purs révolutionnaires. Ceux-là même qui ont provoqué le pouvoir d’Ottawa jusqu’à instaurer la loi martiale et l’occupation militaire du Québec.

Le Canada anglais ne semble pas avoir remarqué encore qu’il ait fait un film sur le FLQ, avec comme scénariste Francis Simard, l’un des membres les plus en vue de la cellule qui a enlevé le ministre Pierre Laporte lors de la célèbre Crise d’octobre. Jean-Daniel Lafond l’a probablement connu lors d’un lancement des éditions VLB qui appartenaient dans les années 90 à Jacques Lanctôt, autre membre très connu du FLQ, qui avait enlevé le consul britannique James Richard Cross, déclenchant ainsi l’engrenage des événements d’octobre.

C’est à l’un de ces lancements que j’ai connu Jean-Daniel Lafond. Je ne doutais pas qu’il fût indépendantiste, tous les intellectuels québécois, le sont à différents degrés. Après la parution de mon premier roman, sachant que je travaillais aussi comme scénariste, il m’a proposé de travailler avec lui sur un film. Je ne suis allé qu’une fois à son appartement de la Petite Bourgogne mais la visite fut mémorable. Michaëlle Jean travaillait dans le salon-bureau, elle avait ce sourire si avenant qui la caractérise, et ce jour-là, elle révélait une grâce que l’écran télé ne peut rendre. Bref, elle est encore mieux dans la vie comme dirait la tribune populaire. Elle se retire pour nous laisser travailler et Jean-Daniel avant d’attaquer le sujet, me fait une petite visite des lieux. Il est très fier de sa nouvelle bibliothèque. Il me confie que c’est Jacques Rose qui a fait les dernières rénovations chez lui. Jacques Rose, le deuxième felquiste sur les lieux du drame qui a vu la mort du ministre Pierre Laporte. Comme quoi Jean-Daniel Lafond ne se tient pas avec n’importe qui!

Qui aurait dit que la future Gouverneure Générale du Canada ait accueilli dans ses murs l’un des révolutionnaires les plus recherchés avec son frère Paul par toutes les polices canadiennes. Je ne suis pas certain qu’elle se sentait à l’aise avec toutes les fréquentationsde son mari mais en même temps je présume qu’elle a assez de grandeur pour ne pas désavouer cette période de leur vie commune. Toujours est-il que c’est Jacques Rose, l’habile menuisier qui avait conçu la cache de la rue Queen Mary qui lui a refait son bureau avec sa précieuse bibliothèque. Jean-Daniel Lafond en était si fier qu’il me confie que Jacques Rose, qui n’avait pas perdu la main pour les cachettes mystérieuses, avait fait un double-fond au cas où Jean-Daniel voudrait y cacher des armes. Évidemment, Jean-Daniel en était ravi même s’il doutait d’avoir un jour à se servir de ce double-fond. Mais enfin, ça met tout de même du piquant dans la vie.

Pourquoi je dis tout ça, en sachant que toute la presse anglophone va s’emparer de cette histoire et se mettre à charcuter le couple princier? Parce qu’il le faut, simplement. Paul Martin avait besoin de la pureté et de la naïveté pour l’immoler sur l’autel de l’unité canadienne. Un bel ange nous a été enlevé et sera demain livré aux vautours. Nous devons démasquer la combine de Paul Martin et pour ce faire, nous servir de la vérité qui est parfois si cruelle.

Mais elle n’était pas cruelle avant ce jour, elle était même sympathique. Nous savions que là-haut dans la tour de Radio-Canada, derrière son interdit de parole, une superbe conscience, héritière des grandes littératures de son pays, voyait notre combat et attendait son heure pour venir nous rejoindre. Au lieu de cela, elle se retrouvera seule à lutter contre une mer démontée et nous ne pourrons rien pour elle, sauf attendre que la vague la repousse sur nos rivages. Je pense qu’il faudra alors la recueillir et lui ouvrir à nouveau les bras. Car la haine de notre liberté que révélera la campagne anti-québécoise qu’elle aura suscitée suffira peut-être autant que tous les lacs Meech à nous souder ensemble dans un même et seul destin, nous les Québécois de la séculaire résistance.

Mais peut-être que je me trompe, que Paul Martin dans l’espoir d’arrêter la marche de l’indépendance réussira à imposer son choix de Michaëlle Jean comme Gouverneure Générale et commandant en chef des forces armées canadiennes. Alors, c’est bien vrai qu’il aura réussi un bon coup. Mais j’ai comme un doute! J’ai l’impression que dans cette histoire, à double-fond, le dernier mot appartiendra à d’illustres revenants politiques que sont les militants du FLQ. Je suis sûr que Paul Martin ne l’attendait pas celle-là.

Source : René Boulanger / article à publier dans le journal le Québecois


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Matt

Père, pédagogue, historien, programmeur, marketeur, tantôt de gauche, tantôt de droite, maladroit et baveux. En quête d’indépendance alimentaire, financière et politique. Mathieu est le fondateur du Blogue du Québec et il blogue également à propos de ses passions sur Le Chef Cuisto et Les Meilleurs Trucs

1 réflexion au sujet de « Michaelle Jean et les felquistes »

  1. Elle fait vraiment une folle d’elle, elle représente une ou la majorité des Haitiens au Québec qui sûrement, fera un non à la souveraineté du Québec. C’est çà la politique du canada avec un petit c avoir ou posséder nos atouts.

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