Qui a découvert l’Amérique ? Ça dépend de ce que l’on entend par « découvrir ».
Tout est une question de point de vue.
Le point de vue de l’Église
Nous avons tous appris à l’école que Christophe Colomb avait découvert l’Amérique et qu’il y avait fait la rencontre… des « indiens » !
Cette contradiction – le fait de découvrir un endroit déjà peuplé, donc déjà découvert – illustre parfaitement le caractère ethnocentrique des cours d’Histoire de l’époque. Jusqu’à tout récemment, l’Histoire de l’Amérique, telle qu’elle était enseignée, commençait en 1492. Les peuples qui occupaient le territoire avant que les Européens n’y mettent les pieds était ignorés. Comme si leur histoire n’avait pas d’importance. Aujourd’hui, cette injustice est en partie réparée dans le cursus scolaire québécois. La laïcité du système d’éducation favorise une vision plus juste et impartiale de l’histoire.
À l’époque où l’éducation était dispensée par l’Église, on la présentait du point de vue du christianisme. Il n’est guère surprenant de voir le crédit de la découverte de l’Amérique attribué au premier chrétien à avoir visité le Nouveau Monde.
Mais dans le fond, Christophe Colomb a découvert l’Amérique comme j’ai découvert les Îles-de-la-Madeleine lorsque j’avais 6 ans… Un endroit magnifique que des millions de personnes avaient aussi découverts avant moi !
Évidemment, je n’ai pas eu besoin de naviguer à l’aveugle sur un océan dangereux à bord d’un bateau de bois au péril de ma vie ! J’ai fait une petite croisière confortable dans les eaux du golfe du Saint-Laurent, à bord d’un navire qui n’a rien d’une caraque du 15e siècle !
Les explorateurs de la fin du Moyen-Âge étaient des aventuriers qui avaient le courage de s’aventurer sur un océan inconnu, à bord de petits navires à la merci du vent. Bravoure ou folie ? En tous cas, ils ont eu le cran de se tailler une place dans les livres d’Histoire. Mais pourquoi ont-ils attendu la fin du 15e siècle pour tenter la traversée ?
Les grandes explorations
La période des grandes explorations européennes marque la fin du Moyen-Âge et le début d’une ère nouvelle. Après des décennies de guerres, les principales puissances européennes comme la France, l’Espagne et l’Angleterre ont besoin de regarnir leurs coffres. À l’époque, la façon la plus efficace d’y parvenir est d’annexer de nouveaux territoires, se rendre maître de la population locale, taxer cette population et piller ses richesses.
L’Église catholique, immensément riche et puissante, encourage – et surtout, finance – ce genre d’expéditions. Elles permettent à Rome de joindre aux équipages, des missionnaires chargés de convertir les peuples conquis. Évidemment, les peuples vaincus sont, le plus souvent, contraints à la conversion. C’est donc au nom de Dieu, dans une apparente bienveillance, que furent lancées les grandes explorations.
L’Amérique doit son nom à l’explorateur florentin Amerigo Vespucci, qui accosta sur les rives de l’actuel Brésil en 1501. Cependant, c’est à Christophe Colomb que revient l’honneur d’être le premier chrétien, en 1492, à découvrir cette terre, qu’il crû être l’Asie jusqu’à sa mort. Amerigo Vespucci, quant à lui, aurait été le premier à comprendre qu’il s’agissait en fait d’un nouveau continent.
Le point de vue des Vikings
Pour connaître l’Histoire de l’Amérique au-delà des frontières culturelles, il faut remonter le temps. Intéressons-nous à des découvreurs qui précèdent Christophe Colomb de plusieurs siècles.
Du VIIIe au XIe siècle, la Scandinavie est la Terre des Vikings. On connait bien leur réputation de guerriers, de pillards et de pirates. Mais les vikings étaient surtout des commerçants, des explorateurs et, bien sûr, des marins accomplis. Et devinez quoi ? Ils ont eux aussi « découvert l’Amérique » … de leur point de vue !
Lorsqu’Érik le Rouge est banni d’Islande pour meurtre, il prend la mer à la recherche d’une terre, que seuls quelques marins avaient affirmé avoir aperçue. Il trouva cette terre et la baptisa Groenland, le « Pays Vert ». Vers l’an 985, il y fonde une colonie, qui verra sa population culminer à environ 5000 personnes dans les années suivantes et servit de point de départ pour la découverte du nouveau continent.
Le fils d’Érik le Rouge, Leif Eriksson, marche dans les traces de son père en tant qu’explorateur. À partir du Groenland, il s’aventure à l’ouest pour finalement accoster sur les rives de Terre-Neuve ou du Labrador.
Cet européen du nord « découvrit » donc l’Amérique en l’an 1000, près d’un demi-siècle avant Christophe Colomb.
Il nomme le territoire Vinland en raison de la végétation luxuriante qui y foisonne. Il y fonde une colonie et explore la côte du Labrador ainsi que le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent. On trouve encore des traces de Vinland sur des sites archéologiques se trouvant à l’endroit que l’on nomme aujourd’hui l’Anse aux Meadows, au nord de Terre-Neuve.
Les colons vikings entretiennent alors des relations commerciales avec les autochtones. Parce que oui, les autochtones étaient déjà là. Ce qui disqualifie les Vikings en tant que premiers habitants de l’Amérique.
La découverte de tout un peuple
Pour trouver une réponse satisfaisante à la question « qui a découvert l’Amérique ? », il faut abandonner l’idée de trouver un personnage directement responsable du peuplement de l’Amérique. Il faut aussi accepter qu’à l’époque où eu lieu cette première migration, l’histoire n’était pas documentée par écrit et la tradition orale ne s’est pas rendue jusqu’à nous.
Avant d’aborder le sujet des véritables premiers humains à avoir mis le pied en Amérique, il est intéressant d’évoquer qu’il existe plusieurs théories au sujet de la colonisation de l’Amérique. L’une d’entre elles suggère que les Austronésiens auraient colonisé le continent à partir de la Polynésie actuelle. Certains sont convaincus que les romains de l’Antiquité seraient parvenus à traverser l’Atlantique avec leurs galères. Il existe même une croyance selon laquelle des Africains auraient franchi l’océan à bord de pirogues.
Ces théories ne sont que très peu documentées et rien, jusqu’à maintenant, ne semble appuyer leur crédibilité. Néanmoins, même si certaines semblent farfelues, ces histoires continuent de circuler.
Des Nomades
Il faut reculer jusqu’à l’Ère du Paléolithique pour se rapprocher de la vérité. En fait, la question est en partie réglée depuis 1929, avec la découverte du site Clovis au Nouveau-Mexique. On y a fait la découverte d’artéfacts archéologiques d’une culture que l’on nomma Culture de Clovis, en l’honneur du lieu de la découverte. Ces objets sont surtout des armes et des outils spécifiques à ce groupe ethnique particulier. Leur disposition sur le continent, combinée aux techniques de datation, ont permis aux archéologues de retracer le chemin parcouru par ces premiers explorateurs.
La piste remonte clairement à la Béringie, un passage qui séparait l’Amérique de l’Asie lors de la dernière glaciation. Aujourd’hui recouvert d’eau, ce passage est remplacé par le Détroit de Béring. C’est par ce couloir glaciaire que sont venus les premiers humains à partir du nord-est de la Sibérie.
La partie qui ne semble toujours pas réglée, c’est l’époque précise de la première vague de migration en Amérique. À mesure que l’on fait des découvertes et que les méthodes de datation se raffinent, on recule la période de cette migration initiale. Les conclusions de la piste de la Culture de Clovis situent d’abord cet événement il y a 13 500 ans. Plus tard, d’autres recherches suggèrent que cette migration aurait eu lieu il y a 21 000 ans. C’est tout un bond à rebours dans le temps ! Le plus surprenant est qu’encore de nos jours, on continue de repousser cette date. Les dernières découvertes archéologiques évoquent maintenant la possibilité que l’Amérique soit peuplée d’humains depuis plus de 30 000 ans !
Sachant cela, il n’est guère surprenant que Christophe Colomb ait « découvert » un continent déjà peuplé par des millions de personnes évoluant dans de nombreuses nations et civilisations différentes.
En 30 000 ans, les premiers migrants et leurs descendants ont eu amplement le temps de découvrir et de peupler eux-mêmes leur propre continent.
Les ancêtres des Premières Nations sont donc les véritables découvreurs de l’Amérique.
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Très instructif. Ca fait assez longtemps maintenant que l’on sait que ce n’est pas Christophe Colomb qui a découvert l’Amérique , mais certaines hypothèses contenues dans cet article m’ont fait entrevoir les diverses possibilité de l’origine de sa découverte. Par contre peuplée depuis 30000ans !! Incroyable. Merci Matt.
Toujours très intéressant de vous lire, textes très bien documentés !
Merci Jocelyne 🙂
Merci de rafraîchir notre histoire mais j’avais bien compris qu’il avait déjà des être humains qui l’habitais.
Cet européen du nord « découvrit » donc l’Amérique en l’an 1000, près d’un demi-siècle avant Christophe Colomb.
PLUTÖT un demi millénaire!