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La panique satanique des années 80

Vous souvenez-vous de la panique satanique des années 80 ? Découvrons la vérité ! 🕵️‍♂️

La panique satanique est un phénomène sociétal qui prend racine dans un climat de peur généralisée, causée par des rumeurs et des théories de complot à propos d’une menace satanique imaginaire.

Aux États-Unis, mais aussi au Canada et dans d’autres pays occidentaux, des légendes urbaines de pratiques occultes, d’abus rituels sur des enfants et d’influences démoniaques se propagent. Le tout est alimenté par des livres controversés, des médias sensationnalistes, et des figures influentes de la droite chrétienne. Sans même avoir la moindre preuve de la réalité d’un tel mouvement, on cherche des causes, des coupables et des boucs-émissaires sont ciblés.

Les années 1980 forment une décennie marquée par un retour au conservatisme social et moral, surtout aux États-Unis, en réaction aux bouleversements sociaux des décennies précédentes.

Les années 60 et 70 ont produit la révolution sexuelle, la lutte pour les droits civiques*, le féminisme et d’autres mouvements progressistes. Les groupes religieux conservateurs majoritairement issus de la droite chrétienne y voient un déclin moral de la société. En guise de réponse, ils cherchent à imposer les valeurs traditionnelles et surtout religieuses à la société (N.D.L.R. Ils le font encore de nos jours 😉). C’est dans ce contexte que prend forme le narratif irrationnel d’un complot satanique invisible, mais terrifiant.

I have a dream… – Martin Luther King

*Les droits civiques sont les protections et privilèges des libertés fondamentales accordés à tous les citoyens par la loi contre toutes les discriminations. L’un des principaux leaders de ce mouvement était le grand Martin Luther King.

Michelle Remembers

L’un des catalyseurs majeurs du début de la panique satanique est la publication en 1980 du livre « Michelle Remembers », écrit par le psychiatre canadien Lawrence Pazder et sa patiente Michelle Smith. Le livre, aujourd’hui discrédité, prétend documenter les souvenirs retrouvés de Michelle qui aurait été victime d’un culte satanique durant son enfance. Ces prétendus souvenirs auraient été récupérés par le biais de longues séances de thérapie de régression par hypnose, une pseudoscience sans fondements réels.

Bien que les allégations de ce livre ne reposent sur aucune preuve tangible, il devient une référence pour les théoriciens du complot et les médias en quête de sensationnalisme. Michelle Remembers donne naissance à l’idée que des réseaux de satanistes opéreraient en secret, kidnappant et abusant des enfants dans des rituels occultes et en feraient le trafic via des tunnels secrets. Un peu comme la théorie de complot Qanon popularisée durant la pandémie de COVID-19.

Le rôle des médias

Les médias jouent un rôle clé dans l’amplification de la panique satanique. Des émissions populaires comme celles de Geraldo Rivera, Oprah Winfrey et bien d’autres produisent des reportages alarmistes sur l’existence présumée de cultes sataniques souterrains. Geraldo Rivera, en particulier, devient célèbre pour son émission « Devil Worship: Exposing Satan’s Underground », diffusée en 1988, où il affirme qu’il existe des centaines de milliers de satanistes aux États-Unis, sans fournir la moindre preuve.

Les émissions télévisées invitent souvent des « experts » autoproclamés en satanisme qui prétendent révéler des informations secrètes sur ces supposés cultes. Des thérapeutes commencent à utiliser des méthodes comme l’hypnose régressive pour « retrouver » des souvenirs d’abus rituels sataniques ce qui conduit à la fabrication de nombreux témoignages de victimes imaginaires. Des parents, des enseignants, et même des garderies sont accusés sans fondement d’être impliqués dans des rituels occultes.

Ce pasteur accuse le rock chrétien (oui-oui, chrétien !) d’être l’instrument de Satan !

Les télé-évangélistes et pasteurs vedettes tirent un immense profit de cette théorie de complot satanique et de l’hystérie nationale qu’elle suscite. Ils font des tournées de spectacles, fracassent des records de cotes d’écoute à la télé et les dons de leurs nombreux adeptes affluent. Les médias profitent également de ce phénomène auquel ils contribuent largement à coups d’émissions spéciales et de reportages sensationnalistes.

Le Québec a plutôt été épargné, les médias locaux ont couvert la panique satanique de façon plus rationnelle que la plupart de leurs homologues anglophones.

Dungeons & Dragons

Parallèlement, certains jeux de rôle, en particulier Dungeons & Dragons (D&D), sont ciblés comme des portes d’entrée vers le satanisme. Les détracteurs affirment que les joueurs, en incarnant des personnages fictifs dans des mondes fantastiques, sont incités à explorer des pratiques occultes réelles. Ces critiques sont exacerbées par des incidents isolés, tels que la disparition puis le suicide de James Dallas Egbert III. Le fait qu’un jeu de D&D ait été trouvé dans ses affaires a suffi pour que les médias suggèrent qu’il avait été influencé par ce dernier. Pourtant rien ne suggérait le moindre lien entre le jeu et le suicide du garçon.

La guerre contre le rock et le heavy metal

Les complotistes et leaders religieux soutiennent que l’acronyme AC/DC signifie « Anti-Christ/Devil’s Children ». Quelle imagination débordante !

La musique rock, et plus particulièrement le heavy metal, devient un autre terrain de bataille dans cette guerre culturelle. Des groupes comme Led Zeppelin, Twisted Sister, Black Sabbath, Metallica, et Ozzy Osbourne sont accusés de promouvoir le satanisme à travers leurs paroles et leurs imageries sombres. Ozzy Osbourne, par exemple, est attaqué pour sa chanson Suicide Solution, que certains considèrent comme une incitation au suicide, tandis que d’autres groupes comme Judas Priest sont accusés d’inclure des messages subliminaux dans leurs chansons, supposés inciter les jeunes à commettre des actes violents ou autodestructeurs. Dans les respirations et les finales du chanteur, on hallucine des messages subliminaux. Rob Halford, le chanteur de Judas Priest sera poussé à chanter devant le tribunal pour réfuter ces accusations ridicules !

En 1985, le Parents Music Resource Center (PMRC), un groupe fondé par l’épouse du sénateur Al Gore, Tipper Gore et d’autres épouses influentes de certains élus de Washington, lance une campagne contre la musique perçue comme immorale, en particulier le heavy metal. Le PMRC demande que des avertissements parentaux soient apposés sur les albums contenant des paroles explicites. Leur liste de chansons offensantes, surnommée « The Filthy Fifteen », inclut plusieurs morceaux de groupes de heavy metal, dont Judas Priest et Twisted Sister.

Pour répondre à cette campagne, le chanteur de Twisted Sister, Dee Snider, témoigne devant le Sénat américain en septembre 1985. Lors de son discours, Snider défend la liberté d’expression artistique et dénonce le PMRC d’interpréter de manière erronée les paroles de ses chansons. Il insinue que Tipper Gore voit bien la perversion qu’elle veut voir dans une chanson à propos d’une chirurgie que le guitariste du groupe a subi.

« Les chansons permettent à l’auditeur de les interpréter à sa guise, en fonction de son imagination, ses expériences et ses rêves…. …Madame Gore y cherchait des références sadomasochistes et elle en a vu, une personne qui y cherche des références à une chirurgie en trouvera aussi ! »

Dee Snider

Il explique que ses morceaux, souvent perçus comme violents ou immoraux, sont en réalité des hymnes à la rébellion contre l’autorité, et non des incitations à la violence. Les « inquisiteurs » avaient gravement sous-estimé les capacités intellectuelles de Dee Snider lorsqu’ils lui ont demandé de comparaître !

L’affaire McMartin Preschool

La panique satanique atteint son paroxysme avec des affaires judiciaires spectaculaires, comme celle de la McMartin Preschool en Californie. En 1983, des membres du personnel de cette garderie sont accusés d’avoir abusé sexuellement des enfants dans le cadre de rituels sataniques. Les accusations incluent des détails fantaisistes comme des tunnels secrets sous l’école, des sacrifices d’animaux, et des vols magiques. Cette affaire devient l’un des procès les plus longs et les plus coûteux de l’histoire américaine, mais au final, aucune preuve tangible n’est trouvée et aucune accusation n’est portée. Pourtant, elle entraîne la méfiance envers les garderies à travers le pays. La société américaine ne semble pas se soucier de la vérité et la paranoïa prend le dessus.

La droite chrétienne et ses théories paranoïaques

À droite, le président républicain Ronald Reagan et à Gauche, Jerry Falwell

La droite chrétienne, menée par des figures comme Pat Robertson et Jerry Falwell, utilise la panique satanique pour renforcer leur discours de guerre spirituelle entre le bien et le mal.

Pat Robertson

Pat Robertson, via son émission The 700 Club, met régulièrement en garde contre l’influence démoniaque présente dans la culture populaire, y compris dans la musique rock, la télévision, certains dessins animés et évidemment Dungeons & Dragons !

Même de nos jours, ce fanatique tient le même discours que dans les années 80 !

Ce type de leaders religieux font la promotion de théories du complot selon lesquelles des messages subliminaux sataniques seraient insérés dans des chansons, des émissions de télévision, des publicités ou des jouets, corrompant ainsi subtilement l’esprit des jeunes.

Ce climat de peur et de méfiance encourage les parents à surveiller étroitement les activités culturelles de leurs enfants, renforçant l’idée que des forces obscures œuvrent en secret pour les détourner de la foi.

Le retour à la raison

Vers la fin des années 1980 et au début des années 1990, la panique satanique commence à s’essouffler. Des enquêtes approfondies, menées notamment par le FBI, concluent qu’il n’existe aucune preuve solide d’un réseau satanique organisé ou d’abus rituels. En 1992, un rapport de l’agent spécial Kenneth Lanning du FBI déclare que la plupart des accusations d’abus rituels sont basées sur des rumeurs, des exagérations et des témoignages obtenus sous pression.

La société commence à prendre conscience que la panique satanique était en grande partie une hystérie collective, alimentée par des théories du complot, des peurs irrationnelles et du fanatisme religieux. Les procès se terminent presque tous par des acquittements, et les dommages causés par ces fausses accusations sont considérables, laissant des familles brisées et des carrières détruites. La panique satanique a tout de même permis une meilleure compréhension des dangers de l’hystérie collective et des théories conspirationnistes manipulées par les médias et les leaders religieux.

Pourtant, même de nos jours, des millions de Nord-Américains soutiennent encore les théories de complots sataniques. Le phénomène connaît actuellement une recrudescence sur les réseaux sociaux depuis la récente montée de la droite religieuse encouragée par le Parti républicain sous Donald Trump.

En terminant voici une compilation d’extraits qui illustre bien l’hystérie collective de la panique satanique. On y voit des pseudo-experts décrire les rituels sataniques, des pochettes de disques heavy-metal, des gens qui font jouer de la musique à l’envers en y imaginant des paroles subliminales… On y voit même une théorie délirante à propos des Schtroumpfs !



Dans les années 80 et 90, les leaders religieux et les médias ont créé une panique nationale à propos d'une menace satanique imaginaire.
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François Paquette

Animateur de radio, podcaster et blogueur.

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