Né Conrad Kirouac le 3 avril 1885 à Kingsey Falls, dans la région du Centre-du-Québec, le frère Marie-Victorin est un véritable pionnier de la science au Québec. Dès son jeune âge, il montre un intérêt marqué pour la nature. Il passe le plus clair de son temps dans les champs et les forêts à observer la vie qui y foisonne. Une habitude qu’il gardera toute sa vie et qui l’entraînera dans une brillante carrière scientifique.
La famille Kirouac quitte Kingsey Falls pour Québec alors que Conrad n’a que cinq ans. C’est dans cette ville qu’il grandit et fréquente les institutions des Frères des écoles chrétiennes, d’abord à l’école de Saint-Sauveur, puis à l’Académie commerciale de Québec. En 1901, à l’âge de 16 ans, il entre au noviciat du Mont-de-La-Salle à Montréal et se joint aux Frères des Écoles Chrétiennes. Il adopte le nom de Frère Marie-Victorin en hommage à son père. Il poursuit des études en sciences naturelles et en pédagogie, démontrant très tôt un intérêt et une aptitude exceptionnelle pour la botanique. Ses premières études sont marquées par une rigueur méthodologique qui le distingue de ses contemporains. Toutefois, Marie-Victorin doit vivre avec la tuberculose, une maladie incurable à l’époque. Marie-victorin s’adonne aussi au théâtre et écrit même quelques pièces.
Premières publications scientifiques
Frère Marie-Victorin commence à publier ses travaux scientifiques dès 1908. Son premier article « Additions à la flore d’Amérique », est publié dans le « Naturaliste Canadien ». Dès l’année suivante il publie un deuxième article : « Contribution à l’étude de la flore de la province de Québec ».
Au cours des années suivantes, il continue de publier régulièrement, couvrant divers aspects de la botanique québécoise. Ses travaux se caractérisent par une approche systématique et détaillée, ce qui lui vaut rapidement une reconnaissance dans le milieu scientifique. Il établit des relations avec d’autres botanistes nord-américains reconnus comme Merritt L. Fernald, professeur à l’Université Harvard, et Francis Lloyd de l’Université McGill. De 1908 à 1920 Marie-Victorin livre plus de 39 publications scientifiques sur la flore de la province de Québec et une soixantaine d’articles de vulgarisation.
Paralèllement, il publie aussi des œuvres de fiction comme « Récits laurentiens » en 1919. Il s’agît d’un recueil de nouvelles littéraires du terroir qui font l’apologie du mode de vie rural. Il publie ses poèmes inspirés de la nature dans « Croquis laurentiens » l’année suivante.
Consécration
En 1920, Marie-Victorin est nommé professeur agrégé de botanique à l’Université de Montréal dans la toute nouvelle Faculté des sciences, où il inspire de nombreux élèves par sa passion et son érudition. Il met en place des méthodes d’enseignement novatrices, encourageant l’observation directe et la recherche sur le terrain. Son rôle de pédagogue est crucial dans la formation d’une nouvelle génération de botanistes et de scientifiques québécois.
Cette nomination est un moment charnière de sa carrière. En tant que pionnier de la botanique, Marie-Victorin est un autodidacte et ne possède pas de de doctorat en la matière, mais il est tout de même la sommité en matière de botanique au Québec. Enthousiaste, il fonde le laboratoire de botanique de l’Université de Montréal (plus tard l’Institut de botanique) qu’il dirigera toute sa vie. Il fonde aussi la Société canadienne d’histoire naturelle en 1923.
La même année, il participe à la création de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS), visant à promouvoir la recherche scientifique en français et à soutenir les scientifiques francophones du Canada.
La Flore laurentienne
Son œuvre majeure, « La Flore laurentienne », publiée en 1935, est un véritable monument de la botanique canadienne. Ce traité exhaustif qui contient plus de 2800 illustrations, recense et décrit la flore du Québec de façon précise, offrant une classification détaillée et des clés d’identification précises. « La Flore laurentienne » est saluée pour sa rigueur scientifique et devient une référence incontournable pour les botanistes, chercheurs et amateurs de nature. Maintes fois réédité, l’ouvrage est encore en vente à ce jour.
Il est également l’un des fondateurs du Jardin botanique de Montréal qui ouvre ses portes en 1939. Après presque deux décennies de travail acharné pour sa réalisation, Marie-Victorin voit enfin son projet se réaliser, notamment grâce à l’aide de son ami, le premier ministre Maurice Duplessis.
Sous sa direction, le Jardin botanique devient un lieu de recherche, d’enseignement et de conservation, abritant une collection impressionnante de plantes du monde entier.
Aujourd’hui, avec ses 22 000 espèces, sa trentaine de jardins thématiques et ses 10 serres répartis sur 73 hectares font du Jardin Botanique de Montréal, le deuxième au monde après celui de Londres
Voyages et collaborations internationales
Le frère Marie-Victorin voyage beaucoup, notamment en Europe et en Amérique du Sud, où il établit des collaborations avec des scientifiques de renommée internationale. Ses voyages enrichissent ses connaissances et lui permettent de comparer les flores du Québec avec celles d’autres régions du monde, renforçant ainsi la dimension comparative de ses travaux.
Prix, honneurs et distinctions
Au cours de sa vie et de façon posthume, le frère Marie-Victorin a reçu plusieurs hommages et fut récipiendaire de plusieurs prix :
Prix David en 1923,
Prix David en 1931,
Prix Gandoger, décerné en 1932 par la Société botanique de France,
Prix de Coincy, en 1935, de l’Académie des Sciences de Paris,
Prix Acfas Léo-Pariseau, en 1944.
Plusieurs rues, écoles, cours-d’eau, montagnes et autres endroits ont été nommés en son honneur.
Passionné jusqu’à la fin
Vers la fin de sa vie, souffrant de phtisie pulmonaire, d’hémorragies chroniques et de problèmes cardiaques, il passe ses hivers à Cuba. Il cède l’administration du Jardin botanique et de l’Institut botanique à ses collaborateurs Jules Brunel et Jacques Rousseau.
Malgré sa santé vacillante, Marie-Victorin ne peut s’empêcher de poursuivre ses travaux en botanique. Le 15 juillet 1944, alors qu’il revient à peine de Cuba, il participe à une excursion à Black Lake avec quelques amis avec l’objectif de trouver une fougère rare : la Cheilanthes siliquosa.
C’est au retour de cette expédition que le frère Marie-Victorin décède tragiquement dans un accident de voiture le 15 juillet 1944. Il laisse derrière lui un héritage scientifique et culturel immense. Son travail a jeté les bases de la botanique moderne au Québec et au Canada. Ses institutions, telles que l’Institut botanique et le Jardin botanique de Montréal, continuent de prospérer et de contribuer à l’avancement des sciences naturelles.
En plus de son inestimable contribution à la botanique, son engagement pour la promotion de la science en français et son rôle dans la valorisation de la culture québécoise font de lui une figure emblématique de l’histoire scientifique du Québec.
Grâce à sa contribution à la botanique et son engagement social, Marie-Victorin mérite sa place dans les livres d'Histoire du Québec.Partager cette trouvaille!Partager!Envoyer par courrielEnvoyer!