Connaissez-vous le Grand Antonio ?

Au cours de l’histoire du Québec, certaines figures se démarquent par leur singularité, leur bravoure et leur charisme inégalé. Le Grand Antonio est définitivement l’un de ces personnages qui ont laissé leur empreinte dans la culture et le folklore de la Belle Province.

Antonio Barichievich est né le 10 octobre 1925 à Zagreb, en Yougoslavie. Dès son plus jeune âge, il démontre une force et une agilité hors normes. Sa stature colossale, combinée à une incroyable résilience physique, lui permet des exploits hors du commun. Dès l’âge de 17 ans, il commence sa carrière dans le monde du spectacle en tant qu’athlète de force. Ses prouesses, notamment dans le domaine de la lutte et de la musculation, ont rapidement attiré l’attention.

Antonio immigre au Canada après la seconde Guerre Mondiale en 1946. Âgé de 20 ans, le colosse de 1,93m (6 pieds 4 pouces) et affichant un poids de 90 kilos (200 livres) se démarque par sa carrure et sa force hors du commun. (Au cours de sa vie, son poids va plus que doubler !) Dès 1952, son nom est inscrit au livre des records Guinness lorsqu’il tire un train de 433 tonnes sur une distance de 19,8 mètres. Toutefois, c’est au cours des années 60 et 70 qu’il atteint la célébrité en multipliant les exploits et les coups d’éclats en public.

Parmi ses exploits de force les plus célèbres, il faut mentionner le jour où le Grand Antonio a tiré quatre autobus remplis de passagers attachés les uns aux autres sur la rue Sainte-Catherine à Montréal devant un public incrédule. Antonio fait preuve d’originalité en tirant une voiture Chevrolet avec ses cheveux !

Sa carrière bien entamée se transporte dans l’arène de la lutte professionnelle où sa force exceptionnelle et son gabarit impressionnant lui permet d’affronter plusieurs adversaires à la fois. Il a même combattu un véritable ours nommé Terrible Ted dans un combat surréaliste ! Le Grand Antonio s’illustre principalement au Canada et aux États-Unis, mais il devient également une vedette au Japon où sa taille et sa personnalité impressionne. Dans le pays du Soleil Levant, il affronte le champion Rikidozan après avoir fait quelques démonstrations publiques de sa force exceptionnelle en tirant, une fois de plus, des autobus !

Antonio n’était pas un grand lutteur, pas plus qu’il observait l’éthique du sport-spectacle. Lorsqu’il affronte le Japonais Antonio Inoki en 1977, il refuse de « vendre » les coups de son adversaire. C’est-à-dire qu’il refuse de feindre la douleur lorsque le champion japonais lui porte des coups. ( ben oui, la lutte c’est arrangé ! 😉). Cela fait fait très mal paraître Inoki dont les coups ont apparemment aucun effet sur le géant aux cheveux longs. Pire encore, il se met à frapper Inoki de véritables coups de poings à l’arrière de sa tête et dans son cou. Inoki, manifestement plus habile et athlétique en a assez et se met à frapper le Grand Antonio au visage avant de le mettre au sol avec aisance. La lutte théâtrale était devenue un véritable combat, ce qui est inadmissible dans ce sport déjà suffisamment dangereux. Le combat se termine abruptement lorsqu’Inoki soulève le trophée en laissant Antonio au sol, le visage ensanglanté. Ce fiasco monumental mettra un terme à la carrière de lutteur du Grand Antonio.

Le match fatidique avec les interventions colorés d’un commentateur moderne et euh… spécial !

Le Grand Antonio s’est aussi fait une place dans le monde du cinéma et de la télévision. Il joue dans plusieurs films La Guerre du feu et L’Abominable Homme des neiges.

Il fait aussi des apparitions dans de nombreuses émissions de télévision au Québec et ailleurs. Il participe notamment aux mythiques émissions américaines The Ed Sullivan Show et The Tonight Show.

Durant les années 90, la popularité du Grand Antonio décline en même temps que sa force. Le géant se fait vieux et il écoule modestement ses jours dans un minuscule appartement du quartier Rosemont à Montréal. Il passe le plus clair de son temps dans les parcs et les stations de métro, racontant ses exploits et vendant des cartes souvenirs contre quelques dollars. Il animait le quartier et était très apprécié du milieu des itinérants, dont il partageait en grande partie, le mode de vie.

Le voici, filmé par un quidam, dans une station de métro de Montréal, Berri-Uqam

Le 7 septembre 2003, on découvre le corps inanimé d’Antonio Barichievich sur un banc, dans une épicerie de Montréal. Une crise cardiaque a mis un terme à la vie du colosse à l’âge de 77 ans. Le Grand Antonio n’avait aucun parent connu, ni possessions, ni assurances. Il n’y a personne pour prendre en charge ses funérailles.

Heureusement, l’organisme Jeunesse au Soleil organise une collecte de fonds qui permet au Grand Antonio d’être enterré décemment.

La vie d’Antonio Barichievich fut une suite de montagne russes. Des horreurs de la Deuxième Guerre Mondiale, à la gloire internationale, le Grand Antonio a eu une vie à sa mesure, celle d’un géant. Son dévouement envers les plus démunis et son caractère exubérant qui animait le quartier Rosemont, ont laissé un grand vide à combler dans la communauté.

En 2004, le sculpteur Armand Vaillancourt décide de rendre hommage à cette icône culturelle qu’est devenu le Grand Antonio. Il offre gratuitement une statue à la mémoire d’Antonio Barichievich à la ville de Montréal afin qu’elle soit exposée dans le parc Beaubien, un endroit où Antonio passait beaucoup de temps. La ville de Montréal qui considérait Antonio comme un marginal, refusa le monument. Au lieu de cet hommage, on a placé au parc Beaubien, une modeste plaque commémorative sur le banc préféré du personnage légendaire.

Encore aujourd’hui, on prend le temps de se souvenir de ce personnage plus grand que nature qui a rejoint la légende aux côtés de Jos Montferrand, le Géant Beaupré, Alexis le Trotteur, Louis Cyr, etc.

Il fait notamment l’objet d’un livre pour enfants, Le Grand Antonio d’Élise Gravel.

Le groupe Mes Aïeux lui rendent hommage dans cette magnifique chanson.