Maurice Le Noblet Duplessis est sans doute l’un des premiers ministres les plus importants de l’histoire du Québec. Son régime que l’on surnomma la Grande Noirceur, a marqué la province de façon indélébile. Voici un survol de la carrière d’un politicien habile qui a su se maintenir au pouvoir durant 18 années et dont l’influence est encore perceptible presqu’un siècle après son règne.
Les comptes publics
C’est en 1936 que l’avocat trifluvien Maurice Duplessis, alors chef du Parti conservateur du Québec, a émergé à l’avant-plan de la scène politique québécoise. En formant une alliance avec l’Action libérale nationale, un nouveau parti composé d’anciens membres du Parti libéral, il met sur pied le comité des comptes publics.
À la tête de cette commission, il fait la lumière sur les malversations et la corruption qui règne au sein du gouvernement libéral dirigé par Alexandre Taschereau qui est au pouvoir depuis 39 ans. Duplessis mène l’enquête seul et il interroge les témoins avec une aisance déconcertante. Ministres, haut fonctionnaires, amis du parti… Tout le monde y passe. À la suite du témoignage du frère du premier ministre duquel y tire les vers du nez, Alexandre Taschereau quitte son siège et son gouvernement s’effondre sous le poids des révélations scandaleuses de corruption.
Un premier mandat
Au lendemain de la dissolution du gouvernement libéral, Duplessis convainc les ténors de l’Action libérale, notamment Oscar Drouin et le docteur Philippe Hamel de le rejoindre dans son nouveau parti, l’Union nationale. Duplessis joue alors un sale tour à Paul Gouin en lui subtilisant ses députés et l’essentiel de son programme électoral qu’il promet à ses nouveaux alliés de réaliser.
Paul Gouin refuse de joindre l’Union nationale et reste à la barre de l’Action libérale nationale avec ses députés restés fidèles. Il sera éclipsé lors de l’élection qui se jouera entre l’Union nationale de Duplessis et le Parti libéral et son nouveau chef, Adélard Godbout.
Duplessis remporte l’élection mais cette première expérience au pouvoir n’est pas fructueuse. Lors de son premier mandat, Duplessis ne respecte pas les promesses qu’il a faite au Dr. Hamel et à Oscar Drouin. Pas plus qu’il ne réalise le programme électoral volé à l’Action libérale nationale. Les deux hommes claquent la porte du parti et rejoignent Paul Gouin dans l’opposition.
La défaite
Le premier mandat de Duplessis en tant que premier ministre du Québec se termine en queue de poisson lorsqu’il est défait en 1939. Avec la Deuxième Guerre Mondiale qui s’amorce, le spectre de la conscription fait trembler les Québécois. Les libéraux, appuyés par des politiciens fédéraux vedettes comme Ernest Lapointe, assurent la population de les protéger de la conscription s’ils leur confient le pouvoir. Cette stratégie s’avère fructueuse et conduit le Parti libéral au pouvoir.
Le nouveau premier ministre Adélard Godbout, profite de son mandat pour accorder le droit de vote aux femmes, ce à quoi Duplessis est farouchement opposé. Le gouvernement progressiste de Godbout introduit aussi la fréquentation de l’école obligatoire et créé Hydro-Québec en nationalisant deux compagnies majeures Beauharnois Power et Montreal, Heat and Light.
Autrement dit, Godbout rempli les promesses électorales trahies de Duplessis.
Le pouvoir à vie
Malgré cette humiliation, Duplessis rebondit et parvient à se faire élire en 1944, inaugurant ainsi une ère de règne autoritaire qu’il maintiendra jusqu’à sa mort.
Le régime de Duplessis se caractérise par une mainmise étroite sur le pouvoir, marquée par une répression de toute opposition. Il utilise son influence pour limiter la diversité des voix politiques, érodant ainsi les fondements démocratiques. Il agite l’épouvantail du communisme pour justifier ses politiques autoritaires et liberticides. Il casse les grèves et donne les moyens à sa police provinciale de s’attaquer aux grévistes qui font pourtant du piquetage en toute légalité.
Sa tendance à étouffer toute dissidence a été clairement illustrée lors de la grève de Louiseville en 1949. Sous le prétexte de l’acte d’émeute, la police réprime violemment la grève et perquisitionne de façon douteuse les locaux du syndicat. Cet incident met en lumière le mépris de Duplessis pour les droits des travailleurs et jette une ombre sur son gouvernement.
La complaisance de Duplessis envers la religion catholique a également été un aspect marquant de son règne. Il a établi une alliance stratégique avec l’Église catholique, renforçant ainsi son pouvoir en utilisant la religion comme un moyen de légitimation. Cette proximité avec l’Église a eu des implications profondes sur des domaines tels que l’éducation, la santé et la moralité publique, limitant ainsi la séparation entre l’Église et l’État.
En 1948, Maurice Duplessis surprend les Québécois en adoptant un drapeau pour la province de Québec, évidemment, sans consulter ses confrères et encore moins la population. Néanmoins, le 21 janvier de cette année-là, le fleurdelisé remplace le Red Ensign colonial au mât du Parlement sur le coup de 15h. Ce geste plaît aux nationalistes qui font partie de la base électorale de l’Union nationale avec les agriculteurs et le clergé.
La corruption a continué à hanter le gouvernement de Duplessis tout au long de son règne. Des allégations de collusion avec des entrepreneurs et de favoritisme envers ses partisans politiques ont persisté. La corruption était particulièrement flagrante dans l’attribution de contrats publics, où des entreprises proches du gouvernement ont bénéficié de faveurs, au détriment de la saine concurrence. Les compagnies devaient faire de généreuses contributions à la caisse électorale de l’Union nationale, faute de quoi, ils n’obtiendraient aucun contrat avec le gouvernement. Duplessis reproduit les comportements répréhensibles qu’il reprochait aux libéraux en 1936 lors des comptes publics.
La tricherie aux élections était une autre tactique utilisée par Duplessis pour maintenir son emprise sur le pouvoir. Des rapports ont émergé indiquant des irrégularités massives, telles que l’utilisation de fausses identités, le bourrage d’urnes et l’intimidation des électeurs. Ces pratiques douteuses ont soulevé des préoccupations quant à la légitimité des victoires électorales de Duplessis, sapant ainsi la confiance du public dans le processus démocratique.
Le dernier voyage
En 1959, malgré une santé fragile, le premier ministre se rend à Shefferville sous l’invitation de la Iron Ore Company qui compte assurer l’exploitation d’un gisement de fer. Alors que ses hôtes sont partis à la pêche, Duplessis discute dans un chalet aux abords du lac Knob, avec un de ses députés, Maurice Custeau. C’est alors qu’il éprouve un malaise et s’effondre au sol.
Maurice Duplessis souffre d’une hémorragie cérébrale qui le paralyse du côté droit. Le premier ministre agonise durant quatre jours avant de s’éteindre à minuit et une minute dans la nuit du 6 au 7 septembre 1959 à l’âge de 69 ans.
Après 18 ans de pouvoir, le règne de Duplessis s’achève, laissant derrière lui un héritage complexe dont certaines réalisations comme le pouvoir acquis par Québec de percevoir un impôt provincial et des torts irréparables comme ceux causés aux femmes, aux minorités religieuses et aux enfants illégitimes que l’on surnommera les orphelins de Duplessis.
La fin d’une ère
Son départ marque la fin de la Grande Noirceur et donne le coup d’envoi de la Révolution Tranquille qui amènera le Québec dans la modernité avec les réformes sociales qui ont fait du Québec, la société que l’on connaît aujourd’hui.
Pour en savoir plus sur cette époque charnière de notre histoire, je me permets de vous suggérer le visionnement de l’excellente mini-série réalisée en 1978 mettant en vedette un Jean Lapointe magistral dans le rôle de Maurice Duplessis.
https://www.youtube.com/watch?v=olaJONzrVGc&list=PLRXt62CRJFZE2x2ru-Vl0oy10xlvzI94x
Duplessis; démocrate quand c'est le temps d'accéder au pouvoir, un peu moins quand c'est le temps de le garder !Partager cette trouvaille!Partager!Envoyer par courrielEnvoyer!