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Ver de terre: ami au jardin, destructeur partout ailleurs

Surprise! Le ver de terre n'est pas toujours notre ami 🌿🚫

Quoi de plus banal qu’un ver de terre? Et pourtant, au Québec, il s’agit d’une espèce exotique envahissante qui menace sérieusement nos forêts.

Ben là… pas ben ben exotique!

Eh oui! Le ver de terre qu’on accroche sur notre hameçon, qu’on est contents de trouver dans le jardin, ce même ver, ou plutôt ces mêmes vers, puisqu’il y a plusieurs espèces, viennent d’ailleurs et sont une menace sérieuse pour nos écosystèmes.

Avant, ici, c’était l’hiver!

Nous avons au Québec près de 20 espèces de vers de terre, et ils viennent pratiquement tous d’Europe. Ils ont été importés avec des plantes d’ornement, des poches de terre, des légumes… Avez-vous déjà vu un œuf de ver de terre? C’est pas gros! Et ça peut très bien se cacher dans une motte de terre restée accrochée à une carotte.

Sur le vieux continent, les vers de terres sont une excellente chose pour leurs écosystèmes. Alors pourquoi est-ce l’inverse ici?

Tout est une question d’évolution. Tout porte à croire qu’il y avait, il y a très longtemps, des vers de tous genres dans le sol du Québec. Puis, l’ère glaciaire qui a emprisonné notre territoire sous d’immenses icebergs a fait un peu l’équivalent d’une remise à zéro.

Il y a environ 8 000 ans, les glaciers se sont retirés, laissant peu à peu la nature reconquérir le territoire. Mais les vers ne faisaient pas partie des espèces à s’y installer. En conséquence, la nature s’est développée avec une épaisse couche d’humus. Je ne parle pas de la purée de pois chiches, mais bien d’une couche du sol qui est riche et spongieuse, souvent humide, légère, et composée de débris végétaux plus ou moins hachés: l’humus.

Nos plantes ont donc évoluées durant ces quelques millénaires avec plusieurs centimètres de composte frais et humide. Un endroit idéal où faire germer des graines délicates, et une excellente protection pour les racines. Les débris végétaux comme les feuilles mortes et les branches mettaient de trois à cinq ans avant d’être complètement décomposés.

Et puis… arrivent les vers de terre. TAN TAN!!

Avec les colons français arrivés il y a plus ou moins cinq siècles, plusieurs espèces se sont vues, bien malgré elles, implantées au Québec.

Le ver de terre, qui est un décomposeur très efficace, est, pour sa part, arrivé au paradis. Plus de 10 centimètres d’humus à dévorer: le rêve! Et c’est ainsi que ce qui mettait jusqu’à 5 ans à se décomposer au Québec ne prend maintenant plus que quelques mois…

Et alors? Notre belle nature a perdu une couche essentielle de son sol.

Fini l’enracinement facile, fini la protection contre la chaleur et contre les sécheresses, fini les beaux habitats de terre meuble pour les petits mammifères et les oiseaux nichant au sol! Et si je veux aller encore plus loin: la terre est plus sèche, moins de plantes arrivent à y pousser, le sol est moins cohésif et plus friable, et donc plus susceptible aux glissements de terrains, aux inondations et à l’érosion!!

Tout ça à cause de quelques pelletées de terre.

C’est pas un peu scénario catastrophe, ton affaire?

Oui. Je l’admets, je fais du sensationnalisme. Après tout, la vitesse de migration du ver de terre est minime. On a calculé qu’il étend son territoire d’environ 10 mètres par année. Donc, en supposant qu’ils soient arrivés le long du fleuve il y a 500 ans, ils seraient maintenant à… 5 kilomètres de leur point de départ. SAUF QUE! Avec les jardineries, le composte, l’agriculture, et les pêcheurs, des vers de terre ont été semés aux quatre coins de la province! La forêt boréale commence même à être atteinte, et comme il n’y a pas de moyen de stopper cet animal… Il faut vivre avec!

Pensez-y la prochaine fois que vous voudrez vous débarrasser de vos restants d’appâts après votre partie de pêche: ne les lancez pas dans le bois, par pitié!

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Si plusieurs espèces souffrent de ce changement plutôt drastique et rapide de la composition du sol, quelques espèces semblent pourtant en profiter.

Outre les merles D’Amérique et quelques rares végétaux, les jardiniers comptent au nombre des bénéficiaires. Ces petits soldats du recyclage dévorent les déchets du sol pour les rendre accessibles aux plantes. Ils transforment les feuilles mortes de vos plates-bandes en composte, et ce, en un temps record! Déchiqueteurs professionnels: voilà ce que sont les vers de terre. En plus, les différentes espèces se complètent bien: certaines brisent les feuilles en plus petits morceaux, alors que d’autres mangent la terre pour en digérer toutes les fines particules et transformer les nutriments pour que les plantes puissent y avoir accès. Un vrai travail d’équipe!



Au jardin, c'est un héros; ailleurs, pas tant que ça. Découvrez le double rôle du ver de terre!
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Audrey Martel

Audrey Martel est une biologiste diplômée de l'Université de Montréal. Elle se passionne pour les plantes et champignons comestibles, le comportement animal, les liens entre les espèces dans les écosystèmes, et la sensibilisation à la protection de la nature.

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