Génie de l’ingénierie aérospatiale, Wernher von Braun incarne à la fois les promesses de la science moderne et ses compromissions les plus troublantes. Son parcours qui l’a mené de l’Allemagne nazie aux plus hautes sphères de la NASA, est jalonné d’autant de controverse que de réalisations scientifiques majeures. Il est aussi ponctué de choix éthiques discutables et lourds de conséquences.
Jeunesse et premiers pas dans l’aérospatiale

Wernher von Braun, issu d’une famille aristocratique prussienne, voit le jour le 23 mars 1912 à Wirsitz, dans l’Empire allemand (aujourd’hui en Pologne). Très jeune, il se passionne pour l’astronomie, la science-fiction et les fusées. Il est influencé par les écrits de Hermann Oberth, pionnier de l’astronautique, qu’il finira par rejoindre comme assistant. En 1930, il commence des études en mécanique et en physique à Berlin.


Il intègre très tôt la Verein für Raumschiffahrt (VfR), une société de passionnés de voyages spatiaux. C’est dans ce contexte qu’il attire l’attention de l’armée allemande, désireuse d’explorer le potentiel militaire des fusées.
Le Troisième Reich et les missiles V2

Dans les années 1930, von Braun est recruté par l’armée allemande et travaille au centre de recherche de Kummersdorf, puis à Peenemünde, où il devient directeur technique du programme de missiles.


Il développe le missile V2 (Vergeltungswaffe 2), une arme révolutionnaire capable d’atteindre Londres depuis le continent. Le V2 est la première fusée balistique à longue portée et le premier engin à franchir la limite de l’espace suborbital. Mais cette prouesse technique a un coût humain effroyable. Pour produire en masse ces missiles, les nazis exploitent le travail forcé dans le camp de Dora-Mittelbau, où des milliers de déportés meurent dans des conditions inhumaines.



Von Braun, membre du parti nazi et officier SS à partir de 1940, est accusé d’avoir fermé les yeux sur les atrocités commises sous sa responsabilité. Si lui-même affirme plus tard avoir agi sous la contrainte, les historiens débattent encore de l’étendue de son implication.
L’opération Paperclip et le passage aux États-Unis


En 1945, alors que l’Allemagne nazie s’effondre, von Braun et une partie de son équipe se rendent aux forces américaines. Au moment de changer de camp, Wernher von Braun qui rejette toute culpabilité sur son implication dans les crimes du régime nazi, aurait dit : « Mon pays a perdu deux guerres mondiales. Cette fois, je veux être du côté des gagnants. »


Conscient de leur valeur stratégique, le gouvernement américain lance l’opération Paperclip : une initiative visant à recruter des scientifiques allemands, en dépit de leurs liens avec le régime nazi. Von Braun est ainsi exfiltré avec plus de 100 de ses collaborateurs vers les États-Unis, où il travaille d’abord pour l’armée.

Malgré les controverses, il devient une figure centrale du programme de missiles balistiques américains. Installé à Fort Bliss, puis à Huntsville, en Alabama, il contribue au développement des fusées Redstone et Jupiter. Il participe également à l’élaboration de la doctrine de dissuasion nucléaire américaine durant la Guerre froide.
La NASA et la conquête spatiale

En 1958, suite au lancement du satellite soviétique Spoutnik, les États-Unis créent la NASA. Von Braun y est transféré avec son équipe, où il devient le directeur du Marshall Space Flight Center. Son expérience est déterminante et sa contribution sera majeure. D’abord, il conçoit la fusée Juno 1 qui met en orbite le premier satellite américain, Explorer 1. Cet événement marque le début de la course à l’espace entre les États-Unis et l’URSS.

Toutefois, c’est avec le programme Apollo que von Braun entre irrémédiablement dans l’histoire. Il conçoit la fusée Saturn V, un engin colossal capable de propulser un vaisseau spatial vers la Lune.


Le 16 juillet 1969, Apollo 11 décolle avec à son bord Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins. Le succès de la mission, qui voit Armstrong poser le pied sur la Lune, est l’aboutissement de décennies de recherches auxquelles von Braun a consacré sa vie.
Controverses et convictions changeantes
Le passé nazi de von Braun ne cesse d’alimenter les polémiques. Certains lui reprochent son opportunisme, son absence de remords, ou encore son aisance à passer d’un régime totalitaire à une démocratie libérale. Pour d’autres, il s’agit d’un scientifique pragmatique, dont le rêve était avant tout l’exploration spatiale, quelles que soient les circonstances politiques. Il est vrai que von Braun a su adapter son discours au contexte, devenant aux États-Unis un fervent défenseur de la science au service de la paix et du progrès.

Malgré sa contribution à l’effort de guerre nazi, il est largement réhabilité par l’opinion publique américaine, grâce notamment à ses talents de communicateur. Il participe à des émissions de télévision, publie des articles, et collabore avec Walt Disney pour vulgariser l’astronautique.

Dans les années 1970, alors que le programme Apollo touche à sa fin, von Braun quitte la NASA pour travailler dans le secteur privé. Il rejoint Fairchild Industries et continue de promouvoir la recherche spatiale. Cependant, sa santé se dégrade. En 1973, on lui diagnostique un cancer du rein.

Il meurt le 16 juin 1977 à Alexandria, en Virginie, à l’âge de 65 ans. Son héritage reste ambigu. Père des missiles V2 et de la Saturn V, scientifique brillant mais compromis, il incarne les paradoxes de son époque. Pour certains, il est un héros de la conquête spatiale ; pour d’autres, un technocrate et ex-nazi sans morale, passé sans scrupules d’une dictature à une démocratie.

Ce qui est certain, c’est que sans Wernher von Braun, l’homme n’aurait sans doute pas posé le pied sur la Lune en 1969. Sa vie pose une question centrale : jusqu’où peut-on dissocier l’apport scientifique de la responsabilité morale ? Un dilemme toujours d’actualité qui peut s’appliquer à des personnalités contemporaines.

Comme un certain homme d’affaire qui a une société d’exploration spatiale et qui vend des voitures électriques tout en collaborant avec un gouvernement autoritaire et oligarchique qui renie les technologies vertes et bafoue la société de droit…
En 1945, les États-Unis ont mis la main sur le plus précieux des butins de guerre : un ingénieur nazi capable de les mener sur la Lune !Partager cette trouvaille!Partager!Envoyer par courrielEnvoyer!