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Aurore Gagnon, l’enfant martyre : Démêler le mythe de la réalité

Aurore Gagnon, l'enfant martyre : Que cache vraiment cette histoire? Mythe ou réalité? 🧐💭

L’histoire

Les évènements se déroulent dans les années 1910-1920, dans un petit village de la Rive-Sud : Sainte-Philomène-de-Fortierville. Aurore Gagnon est la deuxième fille de Télesphore Gagnon et de Marie-Anne Caron. Elle a 3 frères et sœurs Marie-Jeanne, Georges-Étienne et Joseph qui décèdent deux ans après sa naissance. Peu après la naissance de ce dernier, la mère, Marie-Anne Caron tombe malade et Marie-Anne Houde, veuve d’un des cousins de Télesphore, vient aider la famille à s’occuper de la maison et des enfants. Trois ans après son diagnostic, Marie-Anne Caron décède en 1918 et une semaine plus tard, Télesphore épouse Marie-Anne Houde. Il semblerait que ce soit à cet instant que l’enfer d’Aurore commença.   L’enfant subit des horreurs pendant près de six mois. Elle a été maltraitée et violentée par la belle-mère, mais, semblerait-il, par son père aussi. Parmi les tortures rapportées dans les témoignages, Marie-Anne Houde aurait fait boire de la lessive à l’enfant et lui aurait brûlé les mains (ou les pieds dépendamment des sources) avec un tisonnier, blessure qui lui a valu un séjour à l’hôpital. Le 12 février 1920, la jeune enfant décède et les autorités sont alertées. Une autopsie est faite et les médecins concluent qu’il ne s’agit pas d’une mort naturelle : l’enfant serait décédée d’épuisement général et d’un empoisonnement du sang en raison des nombreuses blessures non soignées. Finalement, à la suite de l’enquête du coroner, Télesphore Gagnon et Marie-Anne Houde sont accusés de mauvais traitements et de négligence sur l’enfant.

La seule photo trouvée d’Aurore Gagnon (source : https://www.cimetiere-virtuel.fr/memoire/page-13345.html)

Le procès

En attendant les résultats des enquêtes préliminaires, le père d’Aurore et la belle-mère sont mis en prison. Encore aujourd’hui, il y a peu d’informations sur ces enquêtes puisqu’elles se sont tenues en huis clos.

Lors du procès, les avocats ont prouvé que Télesphore était souvent absent et qu’il avait été manipulé par sa femme qui lui racontait des histoires monstrueuses (et fausses !) sur les comportements de sa fille. Avec le travail des avocats, Télesphore est tout de même jugé coupable, mais il reçoit un verdict plus clément que sa femme : il est condamné pour homicide involontaire et non pour meurtre, comme son épouse. Il reçoit la sentence d’emprisonnement à vie, mais se voit libéré après 5 ans pour bonne conduite. Le père d’Aurore se remarie et décède 25 ans après sa libération.

Pour Marie-Anne Houde, son procès se déroule en avril 1920 et a été très médiatisé en raison des témoignages des enfants. D’ailleurs, ces témoignages sont si accablants que les avocats de Marie-Anne Houde n’ont pas d’autres choix que changer de stratégie pendant le procès pour tenter d’innocenter la belle-mère : plaider la folie. Des experts médicaux et spécialistes des troubles psychologiques entrent donc en scène témoigner à leur tour, mais sans effet sur le jury qui décidera tout de même d’inculper Marie-Anne Houde. Le juge la condamnera à la pendaison pour le mois d’octobre 1920. Cependant, pendant son emprisonnement, on découvre que celle-ci est enceinte de jumeaux… La population, touchée par la nouvelle, lance une campagne en sa faveur, campagne qui se révèlera efficace puisque le juge changera la peine de Marie-Anne Houde pour l’emprisonnement à vie. Plusieurs années plus tard, la belle-mère d’Aurore tombe malade au pénitencier : elle sera finalement libérée en 1935 et décédera un an plus tard.

Marie-Anne Houde, la belle-mère (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Aurore_Gagnon)

Une erreur judiciaire ?

En 2021, le journaliste et écrivain Daniel Proulx revient sur l’histoire d’Aurore Gagnon lorsqu’il publie son livre : Le mensonge du siècle — anatomie d’une bavure médiatique et judiciaire. Dans cet ouvrage, l’auteur mène son enquête sur ce fameux fait divers québécois, mais aussi sur le procès qui a suivi. Selon Daniel Proulx, il se pourrait que Marie-Anne Houde ait été victime d’une erreur judiciaire.

En effet, il semblerait que personne n’ait réellement vu la belle-mère infliger les supplices à Aurore. Les seules personnes ayant assisté aux tortures étaient le frère et la sœur d’Aurore, mais aucun ne pouvait corroborer l’histoire de l’autre puisqu’à chaque fois, un seul enfant était témoin des tortures, ils n’étaient jamais deux… Aujourd’hui, ce genre de témoignage ne constituerait pas une preuve suffisante, d’autant plus que les enfants sont manipulables, on ne pourrait donc pas baser une accusation uniquement sur leurs témoignages. D’ailleurs, les déclarations des frères et sœurs d’Aurore ont changé entre les enquêtes préliminaires et le procès. Entre ces deux évènements, les enfants avaient été interrogés par des policiers : il est possible que ces derniers aient influencé, volontairement ou non, les enfants.

Ensuite, certains habitants du village sont aussi venus témoigner, mais encore une fois, personne ne pouvait corroborer les témoignages des autres : jamais deux personnes n’avaient vu la même chose au même moment.

Finalement, Daniel Proulx explique aussi qu’il se pourrait que les différentes plaies d’Aurore aient été causées par une lésion de la moelle épinière et non par les supposées tortures. Les plaies et ulcères observés sur le corps de la petite semblent concorder avec les symptômes de cette maladie. De plus, certains témoignages stipulent que l’enfant urinait et déféquait sans contrôle, autres symptômes de cette lésion. Il semblerait aussi que les rapports d’autopsie ne correspondent pas avec les sévices qu’Aurore aurait techniquement subis. Aussi, la jeune enfant avait été hospitalisée quelques mois avant pour une blessure du pied qui ne guérissait pas et aucune autre plaie n’avait été remarquée sur le corps, chose impossible si l’enfant était réellement battue. Ces éléments sont suffisants pour décider qu’il existe bel et bien un doute raisonnable pouvant innocenter Marie-Anne Houde, mais bien que la Défense ait évoqué la maladie lors du procès, la belle-mère fut tout de même accusée. Comme l’auteur le mentionne dans un article sur la Presse : « aujourd’hui, ça serait complètement réfuté en cour. Il n’y aurait pas de procès, aujourd’hui ».

Daniel Proulx et son livre (source : https://l-express.ca/tag/le-mensonge-du-siecle/)

L’histoire d’Aurore à travers le temps

L’histoire d’Aurore Gagnon a commencé à être connue dans tout le Québec dès le début des évènements. Les médias ont grandement contribué à rendre cette histoire publique, mais les arts et la culture ont permis de faire perdurer ce fait divers dans le temps. La première reprise de l’histoire fut en 1921 dans en pièce de théâtre de Henri Rollin et Léon Petitjean. La pièce fut jouée partout au Québec, et même en Ontario. Puis, un premier film est sorti en 1952 malgré la tentative de Télesphore Gagnon, le père d’Aurore, d’empêcher la diffusion. Le film connut un grand succès et fut même traduit en 8 langues. Un autre film, sorti en 2005, reprend l’histoire de la petite Aurore. Ce dernier met en scène des célébrités actuelles, comme Sarah-Jeanne Labrosse, Serge Postigo et Hélène Bourgeois Leclerc, et connait lui aussi un grand succès.

Affiche du film de 1952 (source : https://en.wikipedia.org/wiki/Little_Aurore%27s_Tragedy)


Aurore Gagnon, l'enfant martyre, une histoire qui a marqué le Québec. Mais qu'en est-il vraiment? Mythe ou réalité? Explorez les faits avec nous.
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Lucrezia

Passionnée par les voyages, le sport, la nourriture et les arts, l'écriture est un moyen pour Lucrezia de s'évader dans d'autres mondes et partager ses découvertes. Arrivée d'Italie il y a presque 19 ans, on peut dire qu'elle a été charmée par le Québec et sa culture! Fun fact sur la jeune rédactrice : elle avait deux rats a-do-rables comme animaux de compagnie, Gin et Tonic.

3 réflexions au sujet de “Aurore Gagnon, l’enfant martyre : Démêler le mythe de la réalité”

  1. J’ai connu Yvonne Laflamme, l’interprète d’Aurore dans le film de 1952. J’ai même dansé avec elle à l’occasion d’une fin de semaine de folklore à Montréal; c’est à cette occasion que je l’ai connue.

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