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Mangez vos plates-bandes, année après année

Transformez vos plates-bandes en festin annuel ! 🌷🥬

Quel genre de jardinier êtes-vous? Plutôt le genre à faire pousser de bons légumes et des fines herbes fraîches? À favoriser les vivaces pour un minimum d’entretien? Ou bien le genre à avoir les plus jolies plates-bandes du voisinage? Et si je vous disais qu’il est possible d’être tout ça à la fois, à peu de frais, en plus de favoriser les plantes indigènes? Oui, oui, c’est possible!

De plus en plus, les aménagements paysagers intégrant de la bette à carde ou du kale sont à la mode: c’est joli, et ça se mange! On joint l’utile à l’agréable. Je vous propose d’aller plus loin encore en soutenant l’écosystème… et en diversifiant votre alimentation! Il suffit d’intégrer à votre jardin, ou à vos plates-bandes, quelques plantes comestibles originaires du Québec.

Les avantages pour vous, outre que c’est joli et que ça se mange? Ce sont des plantes très faciles puisqu’elles sont adaptées à notre climat. On peut souvent obtenir un plant ou des semences gratuitement en se servant sur les plants sauvages, ou chez les voisins. Attention, utilisez votre GBS les amis: on ne ramasse rien dans les milieux protégés, et on demande la permission aux voisins, hein! Mais ramasser quelques graines sur un plant de la piste cyclable ne feront pas de mal 😉

Ça vous dit? Voici quelques plantes à découvrir, classées par saison de récolte. Je sais qu’on n’est peut-être pas au bon moment de la saison pour récolter tout ça, mais hey! C’est toujours le moment de planifier votre jardin comestible pour l’année prochaine!

Printemps

L’éveil de la nature est un moment magique. Chaque année, les jeunes pousses qui sortent de terre sont une promesse de vie… et, en ce qui me concerne, de bons repas! Évidemment, je vous encourage à faire preuve de discernement: si vous dépouillez complètement votre talle naissante, vous risquez d’avoir un trou dans votre plate-bande plus tard en été! Soyez donc prudents si vous consommez les jeunes pousses tendres. Un bon exemple, ce sont les têtes de violon: une belle grosse fougère dans les plates-bandes, c’est très joli, mais si vous récoltez toutes les jeunes frondes (les feuilles), vous n’en aurez pas d’autres pour sublimer votre devanture cet été. En fait, ça risque même de tuer votre plant! Pensez long terme!

Si plusieurs jeunes plants sont comestibles dans notre flore diversifiée, la vedette à surveiller reste l’hémérocalle. Pourquoi? Franchement, une personne sur deux au Québec doit en avoir au moins un plant tellement c’est répandu! Ça pousse super bien un peu partout, et c’est une fleur magnifique. En fait, à cause de son look tropical, peu de gens savent que c’est une plante originaire d’ici! Ça pousse si bien que chaque année, il faut contrôler le plant et arracher ou tondre les petits rejets tout autour, sinon on se retrouve envahis.

Vous me voyez venir?… Pourquoi vous passez la tondeuse dessus!? Ça se mange!! Les jeunes poussent se mangent crues ou cuites, comme un légume vert. Passeriez-vous la tondeuse sur un beau paquet de haricots acheté 30$ à l’épicerie? J’espère que non! Alors arrêtez de tondre votre premier légume vert de la saison: mangez-le! D’ailleurs, les fleurs d’hémérocalles aussi sont comestibles: de quoi impressionner la visite en leur servant une salade sauvage en été, mais j’y reviens!

Plusieurs fleurs printanières sont comestibles, quoique pas vraiment goûteuses. Ce qui est intéressant dans le lilas et les fleurs d’amélanches, par exemple, ce n’est pas leur goût, mais plutôt leur arôme. Celui-ci provient du nectar sucré en leur centre, mais comme vous n’êtes hélas pas des insectes butineurs, comment profiter de cette douceur?

  • Recette pour un sirop de fleurs

Il existe plusieurs moyens de capturer l’arôme des fleurs: sirops, thés, gelés, etc. En toute honnêteté, c’est beaucoup de travail, mais ça vaut la peine. Comment procéder? Vous aurez besoin d’environ 4 tasses de fleurs, idéalement cueillies sous l’arbre, là où elles ont été protégées de la pluie. Le gros du travail est là: vous devez avoir le moins de parties vertes possibles (vous ne voulez pas un sirop qui goute la salade!) Ce faisant, vous croiserez plein de petites bestioles… Faites donc ce triage à l’extérieur! Et surtout, ne lavez pas vos fleurs: ça retirerait une partie du nectar, ce qu’on ne veut surtout pas.

Une fois fait, vous devez extraire le nectar. Une macération ou une infusion sont à privilégier: en faisant tremper les fleurs dans de l’eau froide ou température pièce, les parfums délicats seront préservés. Si vous versez de l’eau bouillante aussi, comme pour un thé, le processus sera un peu plus rapide. La décoction, méthode où on laisse mijoter à feu doux, risque cependant de détruire les armes délicates des fleurs.

Quand votre infusion a atteint un goût satisfaisant, filtrez finement pour retirer les fleurs, la poussière et les insectes. Vous avez maintenant un thé de fleur. Faites-le bouillir avec du sucre (c’est au goût, mais pour un bon sirop, on vise un ratio d’une part de liquide pour une part de sucre), ajoutez un peu de citron et vous avez un jus. À partir de là, les possibilités sont infinies: tel quel sur un dessert ou en cocktail, gelé dans un moule à pop sicle, avec de la pectine pour en faire une gelée, etc.

Vers la fin du printemps, vous pourrez également vous faire des câpres maison avec les boutons des marguerites. C’est ma fleur préférée et il m’est difficile de sacrifier les boutons floraux de mes jolies marguerites, mais quelle chance: les parcs, pistes cyclables et bords de route abondent de marguerite! Apprenez simplement à reconnaître ses petites feuilles dentelées (excellentes en salade avec son petit goût poivré, soit-dit en passant) et faites-vous plaisir! Il suffit de les blanchir, puis de les mariner dans votre vinaigre préféré, avec vos épices, ail, oignons selon vos goûts.

Été

La belle saison de la récolte! L’avantage avec votre jardin ou vos plates-bandes comestibles prend tout sont sens ici: c’est facile de se tromper et de récolter la mauvaise plante en nature… Ou de passer à côté sans la remarquer dans l’abondance de végétation.

Mais pas pour vous!

Vous êtes un cueilleur sauvage organisé: vos arbustes pleins d’amélanches sont couverts par un filet pour éviter que les oiseaux ne mangent tous vos fruits, vos buissons de framboises noires et de mûres sont taillés pour éviter de se transformer en impénétrable fouillis, et hors de question de manquer la récolte de vos asclépiades: vous les surveillez de près!

Quoi? Les asclépiades se mangent!? Mais… C’est poison!!

Je sais! C’est cool, non? Les monarques pondent sur les asclépiades afin que les chenilles mangent les feuilles pour se gorger de poison et devenir elles-mêmes toxiques. Sauf que! Cette toxine n’est présente que dans le liquide blanc et collant de la plante. Cassez une feuille ou une tige: vous verrez cette sève semblable à la colle blanche qu’on utilisait à l’école. Vous savez… celle avec le bouchon orange qui tourne? Sauf que cette colle-là était bel et bien sans danger à la consommation (le petit Kevin en a assez mangé pour le prouver!), ce qui n’est pas le cas de la sève de l’asclépiade.

Heureusement, elle se dissout dans l’eau! Il est très important de faire tremper et cuire toutes les parties de l’asclépiade avant de la consommer. Les jeunes pousses vert pâle sans feuilles, les boutons floraux encore fermés, et les jeunes gousses de moins de 5 cm sont délicieuses! Ce sont les asperges, brocolis et cornichons sauvages par excellence. Même les fleurs une fois ouvertes font un excellent sirop!

Pour les apprêter, il suffit de les mettre dans l’eau et de les brasser vigoureusement (à l’exception des boutons floraux, qui se briseraient). L’eau deviendra laiteuse: changez l’eau et recommencez jusqu’à ce que votre eau ne change plus de couleur. Ensuite, laissez reposer au frigo 24h.

Les boutons floraux peuvent être trempés 24h au frigo, puis cuits dans deux eaux. Rien de plus simple: portez à ébullition et faites cuire trois minutes, changez l’eau et recommencez une deuxième fois. Pour les parties qui ont été bien brassées et rincées, une seule cuisson suffit.

Les «asperges» et «brocolis» sont consommés comme légumes d’accompagnement, alors que les jeunes gousses peuvent être marinées après la cuisson.

Les graines d’asclépiades sont équipées de longues soies blanches pour leur permettre d’être disperssées par le vent à l’automne: c’est le moment idéal pour vous de ramasser quelques semences dans votre parc de quartier. Aussi, l’asclépiade n’est pas vivace: elle est bianuelle. Ça signifique qu’elle ne fleurit que la deuxième année, et meurt. Je l’ai quand même inclue dans cette liste puisqu’elle se ressème généralement d’elle-même. © Executive Director

Si c’est un feuillage pour agrémenter une salade que vous cherchez, sachez qu’il y a énormément de verdures comestibles dans notre flore indigène. Certaines de ces feuilles sont très goûteuses, et d’autres ont une délicatesse qui sert plutôt à donner du volume (et des nutriments) aux salades. Mon conseil, c’est de goûter avant de ramasser un plein panier: goûtez quelques feuilles et faites-vous une idée. Les feuilles plus jeunes sont généralement plus délicates et ont une texture agréable, alors que les feuilles plus vieilles sont souvent plus amères et/ou fibreuses. Fiez-vous à votre palais et goûtez-y.

*Personnellement, je mets beaucoup de choses dans ma bouche… Ben… Quand je me promène dehors là! Enfin… vous voyez ce que je veux dire. Certains lavent tout avant de goûter, mais honnêtement, ce n’est pas nécessaire. Il vous suffit de cueillir à un endroit sain, non traité, qui n’est pas piétiné ou en bord de rue, et vous êtes tiguidou. Si les animaux peuvent manger à même le sol, vous aussi! Ça fait des anticorps.*

Plusieurs de ces petites verdures sont très prolifiques (à lire ici: envahissantes!). Elles remplissent à merveille les trous entre deux plants d’ornement, mais peuvent facilement prendre trop de place. Pas de problème, si vous mangez régulièrement de la salade, vous pourrez empêcher ces plantes souvent vues comme des «mauvaises herbes» de proliférer.

Parmi mes préférées pour leurs magnifiques fleurs, il y a la chicorée, l’onagre bisannuelle et la mauve musquée (la fleur aussi se mange chez la mauve!). Au niveau des jolis feuillages originaux (qui font aussi des fleurs, mais plus délicates), j’adore l’achillée millefeuille, ainsi que deux couvre-sol originaux: le gaillet et l’oxalis.

**Certaines de ces plantes ne sont pas indigènes, mais elles sont ici depuis tellement longtemps qu’elles sont dites «naturalisées». Ce ne sont pas des méchantes invasives, elles font maintenant partie de notre écosystème.

Parlant de couvre-sol, je me dois de mentionner les fraises sauvages. Elles sont très envahissantes et poussent… partout! Les fruits sont très petits, mais délicieux. Les enfants ont un avantage pour les récolter avec leurs petits doigts, mais les grands y prendront aussi beaucoup de plaisir. Je le sais, ma visite a passé une demi-heure à récolter des minifraises quand je leur ai montré que ça se mangeait! Si vous êtes patients, c’est la touche finale à ajouter à n’importe quelle salade de début d’été. Et si vous êtes un jardinier malin, vous savez que ce couvre-sol est une bénédiction lors des sécheresses: pas besoin d’arroser les fleurs aux deux jours, le sol reste humide!

Passons maintenant aux aromates. Vous voulez avoir la meilleure sauce à spag cet automne? Oubliez le laurier et mettez à la place… de l’ortie!

Heu… non. L’ortie, ça gratte.

Oh là là! Mettez des gants et allez-y doucement. Sélectionnez les tendres feuilles au bout des tiges et laissez-les dans votre sac de récolte en tissu: elles sécheront d’elles-mêmes. Une fois séché, ça ne pique plus. Certains les consomment en pesto ou les font cuire comme des épinards, mais je trouve leur goût trop prononcé personnellement. Mais comme épice dans la sauce tomate, c’est merveilleux. Il suffit de mettre vos feuilles bien sèches dans un pot hermétique et vous en avez jusqu’à l’année prochaine. Froissez-les dans vos mains pour les réduire en flocons au moment de l’utiliser seulement: les feuilles entières conservent mieux leur arôme que si vous les remisez déjà brisées.

© Ludo Leclerc

**L’ortie est très envahissante et certaines personnes réagissent très fortement à leur contact. Je vous suggère donc de ne pas les planter dans vos plates-bandes, mais plutôt dans un coin reculé où vous ne risquez pas de vous y frotter accidentellement. Ça reste un très beaux feuillage assez dense qui a un beau cachet!

Je termine la saison estivale avec mon chouchou, ma plante indigène comestible préférée entre toutes, autant pour son goût que son apparence: la monarde. Les fleurs sont des pompons colorés, souvent rouge lorsque acheté en jardinerie, mais d’une jolie teinte lilas pour la variété indigène nommée monarde fistuleuse. Si vous mettez la main sur quelques graines, sachez qu’elle se ressème elle-même d’année en année.

Les feuilles de la monarde, ainsi que les fleurs, ont un arôme incroyable qui rappelle le thym, le romarin, et un peu le citron. Une fois séché, ça se conserve comme l’ortie et je mets des feuilles dans mes recettes toute l’année. Les fleurs sont plus délicates et sont très bonnes en infusion, même si j’aime bien les laisser en place. Elles attirent les colibris!

Fin d’été et automne

On pourrait penser que la récolte est terminée en octobre, mais ce n’est pas le cas. Plusieurs légumes racines sont à leur meilleur, mais comme vous ne voulez sans doute pas retourner la terre de vos plates-bandes, je vous parlerai des fruits. À la fin de la saison, c’est le moment idéal pour faire des réserves de petits fruits pour l’hiver: congelés entiers, intégrés à des sauces, transformés en jus, tous les moyens sont bons pour en profiter!

Bien sûr, on connait les mûres qui sortent vers la fin de l’été. Mais connaissez-vous la canneberge sauvage? Le fruit du rosier sauvage? Le fruit du sureau du Canada? La pommette sauvage? Le prunier sauvage? Je pourrais continuer ainsi sur une page! Dès la fin août et jusqu’en octobre, il est possible de ramasser énormément de petits fruits indigènes. La plupart poussent dans des petits arbustes ou des arbres qui s’intègrent très bien à un aménagement paysager.

Beaucoup ont un goût prononcé et unique, quoique très astringent. Faire congeler les fruits aiderait à éliminer ce goût désagréable, mais en faire des vinaigrettes, sauces, gelées est sans doute le moyen le plus facile de les apprêter. Vous pouvez ainsi jouer avec les saveurs, ajouter du sucre, des aromates, etc.

Le procédé est très simple: il suffit de les faire bouillir, macérer ou infuser, de la même manière que le sirop de fleur dont il était question plus haut. Pour certains fruits avec des noyaux très petits, comme les canneberges et les mûres, vous pouvez faire des confitures ou les ajouter directement à vos recettes, sans avoir besoin de filtrer. Imaginez à Noël servir à vos invités une gelée d’atocas maison, faite de canneberges que vous avez fait pousser vous-même! Un succès assuré avant même d’avoir ouvert le pot.

Hiver

Suprise! Même en hiver, vous pouvez profiter de vos platebandes pour récolter un fruit bien spécial, excellent pour la santé! Ce fruit, même s’il pousse à l’automne, est meilleur lorsqu’il a gelé sur le plant. Il se récolte tout au long de l’hiver et, si son noyau doit être recraché, le pimbina est assurément délicieux une fois transformé en gelée. Ne vous fiez pas à son odeur de pet lorsque vous le ferez bouillir (ou à son goût cru): c’est ce qu’il vous faut pour faire le plein de vitamine durant les longs mois d’hiver.


Qu'attendez-vous pour garnir vos plates-bandes de plantes indigènes, vivaces, et comestibles? Transformez les en une source de nourriture!
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Audrey Martel

Audrey Martel est une biologiste diplômée de l'Université de Montréal. Elle se passionne pour les plantes et champignons comestibles, le comportement animal, les liens entre les espèces dans les écosystèmes, et la sensibilisation à la protection de la nature.

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