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Bernache, oie, outarde… toute la même affaire?

Bernache, oie, outarde... c'est pareil ? On vous explique ! 🔍

Le voici, le voilà, l’article ultime pour vous démêler dans vos gros-oiseaux-d’eau-qui-ne-sont-pas-vraiment-des-canards. Mais pourquoi c’est si important? Pour éviter d’avoir l’air twit, ni plus, ni moins! Laissez-moi commencer avec une anecdote…

J’habite un village d’environ 3 000 habitants qui s’est bâti autour d’un lac. Je sais, on doit en avoir approximativement 500 au Québec des villages comme ça, mon histoire ne doit donc pas être unique à ma communauté! Sur le groupe Facebook de mon village, donc, un article de presse a été partagé ayant un titre très accrocheur, clamant que notre lac se mourrait. Le tout premier commentaire à apparaitre sous ledit article, fut un citoyen, appelons-le monsieur Bob, qui clamait que «c’est ben sûr que notre lac meurt! Avec les millions d’oies qui viennent chier dedans chaque année!!»

Perplexe, j’ai lu l’article. Après tout, je n’ai jamais entendu que les excréments d’oiseaux pouvaient empoisonner un lac. En plus, je n’ai jamais vu d’oie dans notre lac… Et surtout, je doute que notre minuscule flaque d’eau puisse contenir «des millions» d’oies!

L’article parlait d’écologie, de plante envahissante, de l’eutrophisation du lac, mais ne mentionnait les oies nulle part. Aucune idée de ce que monsieur Bob avait bien pu vivre comme expérience, mais une chose était certaine, il n’avait jamais lu l’article! Mais dans le temps de le dire, d’autres commentaires se sont ajoutés sur Facebook pour accuser «c’te gang de canards noir là».

Là, j’ai compris. Monsieur Bob parlait de bernaches du Canada.

Des dizaines d’autres citoyens, sans avoir lu l’article, ont pris parole pour accuser ces beaux oiseaux à tort, pensant sans doute que monsieur Bob avait lu l’article. Comme si quelques centaines (et non des millions) d’oiseaux, qui sont présents au maximum quoi? deux jours dans l’année lors de leur migration? pouvaient vraiment être responsables de la mort d’un lac.

Bref, monsieur Bob, ainsi que mes concitoyens, m’ont bien déçu là-dessus. Avant d’aller dire n’importe quoi sur internet, c’est quand même important de savoir un tant soit peu de quoi on parle, non? Bon, je ne vais sans doute pas changer la façon qu’ont les gens de commenter n’importe quoi, mais au moins, je peux vous apprendre la différence entre les oies et les bernaches!

© Zev D.

La bernache du Canada

Vous en avez certainement déjà vu une, deux, dix ou quelques centaines ensemble. C’est un gros oiseau avec un long cou de cygne, un bec noir et plat de canard, et une coloration à la fois neutre et très reconnaissable: son corps est dans des tons de gris et de beige, mais son cou et sa tête sont noirs, avec une tache blanche au niveau de la joue. Bien qu’on ne l’appelle jamais «oie», comme monsieur Bob, c’est bel et bien une espèce d’oie.

Ça, c’est la bernache du Canada, que certains appellent à tort une outarde. Qu’est-ce qu’une outarde alors ? C’est une famille d’oiseaux originaires d’Eurasie, d’Afrique et d’Australie qui, parfois, ressemblent à la bernache, mais ne se retrouve pas au Canada.

Ne vous en faites pas, l’erreur date probablement des premiers colons! Leur logique, j’imagine, c’est que si on ne connait pas ça, on rajoute d’Inde après, et si ça ressemble à ce qu’on connait, alors c’est nécessairement pareil. Ainsi, nous avons le blé d’Inde, la poule d’Inde (Dindon), le cochon d’Inde… Et aussi le chevreuil (cerf de Virginie) et l’outarde (bernache)! Mais 400 ans plus tard, il serait temps qu’on en revienne de leur erreur, non?

Une outarde à miroir blanc d’Afrique du Sud. © Bernard Dupont

Très sonores, les bernaches arrivent au Québec en bandes de centaines d’individus en mars. On les entend crier même quand elles volent très haut dans le ciel dans leur formation en V typique. D’ailleurs, ces grands V ne se forment pas par hasard. En volant ainsi derrière un congénère, on limite de beaucoup la friction de l’air et on dépense énormément moins d’énergie. Celui du devant est régulièrement remplacé puisque c’est lui qui doit fournir le plus d’effort. Cette formation apparait chez plusieurs oiseaux migrateurs, mais aussi chez certains animaux aquatiques comme les baleines. Même les petits avions font ça, quand on y pense!

Une fois arrivé à destination, le grand groupe se sépare. C’est normal: il n’y a pas assez de végétation aquatique pour nourrir tout le monde au même endroit! Voilà pourquoi la bernache semble plus rare, ou du moins, moins abondante en été: elles passent par chez nous, puis certaines continuent leur migration jusque dans la forêt boréale, dans la toundra, et même en Alaska. Formant un couple pour la vie, chaque duo rejoint son lac/étang/lagon, et c’est la saison de reproduction qui commence. Ne vous approchez pas d’une petite famille à ce moment, la maman peut se montrer très agressive!

(J’ignore dans quel zoo cette improbable rencontre a eu lieu, mais je mets un 5$ sur la bernache!)

En hiver, la majorité repart puisqu’il n’y a pas suffisamment de nourriture pour survivre avec la neige. La majorité? Pas toutes? Eh bien non! Certaines ont la chance de se trouver un petit coin avec des fruits ou des graines en quantité suffisante pour choisir de rester au pays tout l’hiver.

L’oie des neiges

Vous n’en avez jamais entendu parler? Il y a pourtant d’énormes rassemblements d’ornithologues amateurs à différents endroits au Québec pour observer la migration de cet oiseau. Et si je vous dis oie blanche? Ahhh, là, ça nous dit quelque chose! Eh bien, c’est encore une fois un «surnom» qui a été donné à cet oiseau. Il ne réfère pas à une autre espèce, comme l’outarde. C’est seulement un nom logique qui est apparu pour parler de cet oiseau. Après tout, les générations précédentes qui n’avaient pas accès au blogue du Québec pour s’instruire sur le «vrai» nom de leur oies… devaient bien leur trouver un nom! Reconstitution historique:

« – J’ah vu un gros wézo dans l’eau!

– Une outarde?

– Nenon, yé blanc. C’comme un grosse dinde blanche a’k un long cou.

– Genre une oie?

– Ouais genre une oie!

– Pogne-la. Ça doué ben s’manger une oie blanche!»

Ainsi donc est apparu le terme «oie blanche»!

© billyp50

Bien que les voir soit un événement en soit, l’oie des neiges n’est pas rare ou menacée. Enfin, je devrais dire «n’est plus». Au début du 20e siècle, la chasse a fait énormément diminuer leur nombre, mais avec les lois et permis, celle-ci est maintenant réglementée. On imagine bien qu’un chasseur attendant au bon endroit lors de la migration pouvait facilement en tuer des centaines en une seule journée! Heureusement pour l’espèce, il y a maintenant des quotas.

L’oie des neiges ne se reproduit qu’en Arctique, ce qui explique qu’on ne les aperçoive que quelques jours lors de leur migration saisonnière au printemps et à l’automne. L’été, alors qu’elles nichent près du pôle Nord, elles mangent tant que le soleil est levé. Lors du solstice d’été, le soleil ne se couche pas ou presque pas dans cette région, les oies se nourrissent donc… 24h sur 24! Manger en continu… le rêve!

Migration d’oie des neiges. © nmitiguy

L’hiver, elles se rendent aux États-Unis et au Mexique, en particulier le long des côtes où elles pourront continuer à se nourrir de végétaux surtout aquatiques. L’oie des neiges n’est pas trop territoriale en général et elle partage volontiers son habitat ou ses aires de repos lors de la migration avec d’autres espèces d’oies, dont la bernache.

Si l’oie blanche porte bien son nom, il faut savoir qu’il existe certains individus qui ne sont pas blancs du tout! En fait, il existe deux patrons de couleur chez l’oie des neiges: la phase blanche, qui présente un plumage immaculé à l’exception du bout des ailes qui est gris foncé ou noir, et la phase bleue, où seule la tête et une partie du cou sont blancs, et le reste du corps est gris-bleuté. Cette coloration est présente chez moins de 5% des oies des neiges et n’a pas tendance à augmenter puisque les couples se forment généralement entre individus de la même couleur. Le gène bleu étant dominant, les oies blanches ne peuvent donner naissance à un jeune foncé, mais l’inverse est possible.

Oies des neiges, phase bleue. © runwayman

Attention aux sOIEsies!

Bien que la bernache du Canada et l’oie des neiges soient assez faciles à reconnaître, il faut savoir qu’il existe d’autres oiseaux qui leur ressemble au Québec. Bien qu’ils soient peut-être moins fréquents, la bernache cravant et l’oie de Ross présentent une taille, un comportement et une coloration semblables à nos deux vedettes du jour. Sauriez-vous les identifier, même de loin et en plein vol? Honnêtement, il faut parfois plisser les yeux!



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Audrey Martel

Audrey Martel est une biologiste diplômée de l'Université de Montréal. Elle se passionne pour les plantes et champignons comestibles, le comportement animal, les liens entre les espèces dans les écosystèmes, et la sensibilisation à la protection de la nature.

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