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Les érables, pourquoi ça coule?

Comprendre pourquoi les érables coulent en une lecture 🍁 Découvrez maintenant ! 👉🏼

Chaque Québécois est fier de ce nectar doré qui coule à flots le printemps venu. Cabane à sucre, tire, crêpes et autres douceurs agréablement sucrées font le bonheur des petits et des grands.

Mais avant d’en arriver à ce sirop onctueux, décadent, et goûtant le bonheur et l’espoir d’un été proche, avant même de faire bouillir l’eau divine de notre arbre emblématique, il y a une autre étape. Et celle-ci se produit au cœur même de notre grand végétal en plein éveil après un hiver glacial. Et c’est notre sujet du jour: que se passe-t-il sous l’écorce pour que nous puissions nous délecter du mondialement réputé sirop d’érable?

Est-ce qu’ils coulent parce qu’ils ont le rhume? C’est pas loin, mais ce n’est pas de microbes dont on jase aujourd’hui, c’est de chimie!

Au fil des saisons: le sucre sous toutes ses formes

Pour comprendre d’où vient ce goût sucré du printemps, il faut remonter à l’été précédent.

Sans rentrer dans les détails, le soleil permet à l’arbre de fabriquer du sucre pour pousser. C’est ce qu’on appelle la photosynthèse.

Pardonnez l’image en anglais, mais l’important ici c’est que la lumière du soleil, le CO2 de l’air, et l’eau du sol sont absorbés par la plante. Un procédé chimique compliqué (disons que c’est magique, parce qu’on n’est pas chimistes) appelé la photosynthèse prend ces éléments et réarrange les molécules pour relâcher de l’O2 (oxygène) dans l’air, et des sucres (je vous épargne la formule) dans la plante elle-même. Ces sucres sont des glucides qui permettront à la plante de croître, de faire des feuilles et des graines.

Ouais, la photosynthèse, ça ne sert pas juste à purifier l’air, figurez-vous!

Nous voici donc experts en magie de plante durant l’été! Mais que se passe-t-il en hiver?

Comme les érables doivent faire face à la saison froide, mais surtout, se remettre à vivre au printemps, il doit stocker une certaine quantité de sucre. Celui-ci est remisé pour l’hiver dans les racines (quand même plus protégé que dans les branches!) sous forme d’amidon. C’est une autre forme de molécule de sucre qui est plus stable.

Puis, le dégel arrive!

C’est le temps de renvoyer tout ce sucre dans les branches pour faire des feuilles! L’eau se remet à circuler dans l’arbre, et l’amidon est brisé en plusieurs morceaux pour créer des molécules de sucres plus simples: le saccharose, qui est transporté par l’eau jusqu’aux branches. Voici donc la genèse de l’eau d’érable sucrée, l’ingrédient de base aux délices d’érables.

Pour les curieux, voici à quoi ressemblent les trois molécules:

Molécule de glucose, un glucide à 6 carbones
L’amidon forme des chaînes infinies!
Saccharose, formé d’une molécule de glucose et d’un bout de fructose



Une question de pression

Je ne suis pas chimiste, je suis biologiste. Alors, si comme moi, vous avez pris l’option science au secondaire, vous vous rappelez sans doute d’une seule formule: PV=nRT. Je serais bien en peine de m’en servir aujourd’hui, mais je me souviens que ça servait à calculer la pression et la température (le volume et d’autres choses… il me semble!). Je vous fais un cours de chimie en accéléré, mais je vous promets que ça vaut la peine!

En gros, quand la température monte, la pression augmente. PV=nRT. Si on enlève quelques variables, on a P=T, Pression = Température. Quand une monte, l’autre augmente aussi.

Jusqu’ici, ça va. C’est un principe que vous avez sans doute constaté chaque fois que vous avez mis de l’eau à bouillir: à un moment, le couvercle danse et de la vapeur cherche à s’échapper de votre casserole.

En ce qui concerne les liquides comme l’eau d’érable, la température affecte le niveau d’excitation des molécules.

Hein ? En gros, plus c’est chaud, plus les molécules vont vite et s’entrechoquent entre elles. Si c’est très froid, plus rien ne bouge… comme de la glace. Si c’est très chaud, les molécules deviennent tellement mobiles qu’elles deviennent de la vapeur.

La pression, c’est l’espace dont les molécules ont besoin pour exister, et si cet espace n’est pas disponible, l’énergie, les chocs entre les molécules, augmente, tout comme la chaleur. Frottez vos mains plus ou moins vite: elles se réchauffent. C’est ce qui se passe quand les molécules s’entrechoquent.

Plus la pression est élevée, plus le liquide ou le gaz sortira rapidement si on fait un trou. Pensez à un ballon: celui bien gonflé se videra de manière plus spectaculaire que celui qui est mou si on le perce.

Un autre exemple? Secouez votre pepsi! Friction = excitation des molécules = plus de pression!

Bla bla bla, pourquoi je fais un cours de science? Parce que c’est EXACTEMENT ce qui se passe au printemps!

Le jour, le bois de l’arbre se réchauffe et prend de l’expansion. Ça comprime alors les vaisseaux dans l’arbre qui contiennent l’eau sucrée et celle-ci est mise sous pression. Il suffit de faire un trou dans l’arbre, ou de casser une branche, et l’eau sera expulsée à l’extérieur. Ne reste qu’à bouillir pour faire s’évaporer le surplus d’eau, et le tour est joué!

Vous voyez, vous comprenez tout maintenant! Merci PV=nRT !

L’érable derrière le sirop ?

Peut-être qu’en lisant cet article, vous vous posez la question suivante: endommage-t-on les érables en prenant leur sève?

La réponse: oui, et non.

Tout est une question d’équilibre.

Si on installe 8 chaudières par arbre, alors oui, il risque de manquer de sucre pour refaire assez de feuilles et rester en santé. Il pourrait en fait en mourir en quelques années. Si on est raisonnable, c’est comme une prise de sang: je n’ai jamais entendu dire qu’un don de sang avait tué quelqu’un.

Le problème n’est pas tant au niveau de l’arbre. En fait, ce sont les érablières (les forêts d’érables, pas les cabanes à sucre!) qui sont à risque à cause de l’exploitation acéricole mal faite. On parle assez peu de ces problèmes et c’est dommage, car d’ici à quelques années, il pourrait devenir difficile d’avoir de l’eau d’érable…

Les érablières menacées

  • Le vieillissement des arbres

Les gros arbres permettent de planter plus de chaudières. Se déplacer en forêt peut être difficile avec tous les minis arbres dans le chemin. Conclusion: on défriche un peu, on coupe quelques petits arbres, on piétine les nouvelles pousses. L’important, ce sont les gros arbres: ils sont plus rentables!

Mais un arbre, comme un animal, a une durée de vie. L’érable, s’il peut vivre 300 ans, donne moins d’eau d’érable à mesure qu’il vieillit. Et si on le perce plus pour pallier le manque, il finira par dépérir et mourir. Et à ce moment, qui le remplacera si, depuis 30 ans, on empêche tous les nouveaux érables de pousser dans l’érablière?

De plus en plus, les producteurs sont heureusement conscients de ce problème et laissent de la place aux nouveaux arbres, mais il y a fort à parier que certains verront leur production décroître à cause du manque de mesures de régénération de leur forêt.

  • La monoculture

Le démon de notre aire. On en entend souvent parler pour l’huile de palme, les avocats… mais les érables tendent de plus en plus à devenir également une monoculture, pour le meilleur et… non, en fait, c’est seulement pour le pire.

Érable. Érable. Érable. Bouleau. Érable. Chêne.

«Non. Non, ça ne va pas, moi je veux produire plus de sirop pour rendre les gens heureux! (Mon banquier inclus!) Coupe, coupe.»

Érable. Érable. Érable. Érable.

«C’est mieux!»

Mais voilà: outre tous les problèmes que ça représente pour l’environnement (ça pourrait être un article en soi!), ça rend surtout l’érablière très, TRÈS vulnérable. À quoi ? Aux maladies, aux parasites, aux virus…

Tous les 5 à 10 ans, il y a une nouvelle espèce d’arbre qui souffre d’un de ces dérangements. Vous avez déjà entendu parler de la tordeuse de bourgeons de l’épinette? De l’agrile du frêne? Imaginez quand l’érable à sucre sera visé.

Je ne veux pas paraître alarmiste, mais dites-vous qu’une telle peste dans une érablière 100% érables, ça ne laisse rien. Si c’est 70% érables, il y a une chance de sauver la forêt, ces habitants, et peut-être même quelques érables.

Dans tous les cas, cette année, les érables coulent à flot. Vous êtes maintenant des experts en eau d’érable et avez même des bases sur les menaces écologiques qui entourent cet arbre majestueux. Ça vous fera de bons sujets de conversations autour de vos oreilles de criss et bines rituelles. Mangez une bonne tire à ma santé!

Bon temps de sucres!

Les érables, un trésor national…


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Audrey Martel

Audrey Martel est une biologiste diplômée de l'Université de Montréal. Elle se passionne pour les plantes et champignons comestibles, le comportement animal, les liens entre les espèces dans les écosystèmes, et la sensibilisation à la protection de la nature.

3 réflexions au sujet de “Les érables, pourquoi ça coule?”

  1. Merci pour cet article très instructif et complet. Prions pour qu’une vraie prise de conscience empêche la disparition de cet arbre si généreux dont la sève nous comble de délices depuis si longtemps.

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