Accueil » Culture » Histoire » Histoire du Québec » Naufrage aux Îles-de-la-Madeleine : le sauvetage réussi du Corfu Island

Naufrage aux Îles-de-la-Madeleine : le sauvetage réussi du Corfu Island

Un naufrage qui laisse des traces aux Îles-de-la-Madeleine

Le 20 décembre 1963, le cargo Corfu Island, fait naufrage sur les côtes des Îles-de-la-Madeleine, s’incrivant sur la longue liste des naufrages ayant eu lieu dans cette région dangereuse du golfe du St-Laurent.

Le célèbre armateur grec Aristote Onassis

Construit en 1944, ce cargo de type Liberty Ship mesure environ 134 mètres de long et est initialement destiné au transport de marchandises durant la Seconde Guerre mondiale. Après le conflit, il est acquis par l’armateur grec Aristote Onassis et rebaptisé Corfu Island.

Le Corfu Island à flots

En décembre 1963, le Corfu Island quitte le port de Wismar, en Allemagne de l’Est, les cales vides. Il doit traverser l’Atlantique pour se rendre à Montréal, où il doit charger une cargaison de blé. Le navire est violenté par les vagues agressives de l’océan Atlantique qui n’est pas commode en hiver. Afin d’améliorer la stabilité du navire pour la traversée, le capitaine Peter Paschalis ordonne d’alourdir le navire en remplissant les ballasts avec 3000 tonnes d’eau de mer. Toutefois, cette décision est vivement contestée par le chef ingénieur, qui craint une infiltration d’eau dans les cales et surtout un gel des conduites de vapeur servant à l’alimentation de l’unique chaudière.

Une avarie catastrophique

Malgré les mises en garde, environ 1500 tonnes d’eau sont ajoutées dans les ballasts. Ce qui devait arriver arriva : les conduites gèlent massivement, les canalisations de vapeur éclatent, causant de lourds dommages à la chaudière. Privé de propulsion, de chauffage et d’électricité, le navire devient incontrôlable et dérive dangereusement dans le golfe du Saint-Laurent. Comble de malheur ! Une tempête se lève, accentuant les risques de naufrage pour le bâtiment privé de propulsion.

Face à la situation critique, l’opérateur radio du Corfu Island, Frixos Sekkides, envoie ce message de détresse :  

« Have sent out distress call – stop. Engine breakdown – drifting towards Magdalen Islands – Gulf of St-Lawrence. Requested  immediate assistance – Waiting. Signed : Paschalis. » 

Traduction : « Ceci est un envoi de signal de détresse – stop – Moteur arrêté – dérivons vers les Îles de la Madeleine – Golfe Saint-Laurent. Demandons assistance immédiate – Signé : Paschalis. »

Ce signal est capté par Chester Turnbull, un opérateur radio des Îles-de-la-Madeleine, qui se trouve dans l’impossibilité de répondre car la tempête a arraché les antennes de transmission. Turnbull fabrique une antenne de fortune et parvient à communiquer avec l’équipage du cargo en perdition.

Le courage des Madelinots

L’équipage du Corfu Island, composé de 29 marins, est en proie à la panique. Le navire, à la dérive, menace de s’échouer violemment sur les côtes. Devant l’urgence de la situation, une opération de sauvetage est rapidement organisée par les marins des Îles-de-la-Madeleine.

Monument aux pêcheurs de Roger Langevin sur le site de la Côte aux Îles-de-la-Madeleine

Des sauveteurs locaux, dont Fernand Lapierre, Guy Aucoin, Michel Boudreau et Alphonse Renaud, risquent leur vie pour secourir les marins. À bord d’un modeste doris*, ils parviennent à aborder le cargo dont le pont est évidemment beaucoup plus haut. Les vagues puissantes rendent l’opération périlleuse au point où les marins du Corfu Island ont peur de descendre dans l’échelle qui mène aux sauveteurs. Fernand Lapierre monte courageusement à bord du Corfu pour aider les matelots paniqués à rejoindre le petit doris de bois. Les madelinots font la navette entre le cargo et la plage, emportant 5 marins à chaque voyage jusqu’à ce qu’ils aient tous rejoint la terre ferme.

Un doris de bois

*Un doris est une petite embarcation de bois à fond plat propulsée par voile, aviron ou moteur.

À l’aube du 20 décembre 1963, grâce au courage des sauveteurs madelinots, les 29 membres de l’équipage sont ramenés aux Îles sains et saufs malgré des conditions météorologiques extrêmes.

Au cours des années qui suivent, l’opérateur radio du Corfu Island revient aux Îles pour rencontrer ses sauveteurs avec qui il s’est lié d’amitié. Il déclare :

« Ce n’était pas simplement de l’aide. Vous avez risqué vos vies pour nous sauver. Ce fut une réussite, car tous furent sauvés. Je me suis fait une promesse l’an dernier qui était de venir vous visiter. Je voulais venir et simplement vous dire merci. Cette amitié demeure présente avec plusieurs d’entre vous et chaque fois que je reviens, je rencontre plus de gens, plus d’amis. En Angleterre, à Londres où j’habite, où je travaille, à la banque où je vais, tous savent maintenant où se trouvent les Îles de la Madeleine. »

Une épave toujours présente

Le Corfu Island, désormais abandonné, finit par s’échouer sur une plage de l’île de Cap-aux-Meules. Les tentatives pour le renflouer échouent, et au fil du temps, la coque du navire est progressivement ensevelie sous le sable. Aujourd’hui, cette plage porte son nom : la plage du Corfu.

La majeure partie du Corfu Island est démantelée depuis longtemps, mais la partie ensevelie est impossible à extirper de la plage. Les vestiges du navire, bien que partiellement enfouis, attirent encore les curieux et les passionnés d’histoire maritime. L’épave du Corfu Island est devenue une curiosité touristique et un symbole du lien profond entre les Madelinots et la mer. Ce naufrage rappelle à la fois la rudesse des conditions maritimes de l’Atlantique nord et la bravoure exceptionnelle des habitants des Îles-de-la-Madeleine face aux périls de l’océan.

D’après les informations recueillies sur www.ilesdelamadeleine.com et www.centredarchivesdesiles.org



Grâce au courage des sauveteurs madelinots, tous les marins du Corfu Island furent sauvés.
Partager cette trouvaille!Partager!Envoyer par courrielEnvoyer!
Moyenne de 5 sur 1 votes

Photo de profil de François Paquette

François Paquette

Animateur de radio, podcaster et blogueur.

On veut votre avis sur ce contenu québécois